Editorial : Les progrès sous la crise

Sous l’angle de l’emploi, la Chine face à la crise offre deux regards contradictoires, l’un triomphant, l’autre inquiétant. Le 9/09, la Fondation nationale de recherche au développement (filiale du Ministère du travail) recalcule le nombre des pertes d’emplois dues à la crise, jusqu’àlors évaluées à 16,5 millions. Il le fait en comparant la chute des exports et les emplois liés: il trouve 41 millions de postes disparus, 40% des pertes mondiales. Ce chiffre est révélateur : [1] du prix à payer par la Chine-usine du monde, quand vient la récession, et [2] de la solidité du pays qui jusqu’à présent, a réussi à absorber un tel choc, jetant dans la précarité plus de 100 millions de nouveaux pauvres. Ce qui au passage, permet de mieux comprendre le sourd déploiement des forces de l’ordre et de la censure, sous prétexte de préparatifs de la Fête nationale du 1er Octobre.

Mais d’autre part, le pendule s’inverse. Le ministre Yin Weilin l’annonce, depuis juin, les firmes réembauchent et même si les emplois de migrants restent 5% sous le niveau d’août 2008, les deltas du Yangtzé et des Perles ne parviennent pas à combler leurs besoins en employés, la situation reste «grave», mais s’améliore. Les 20 millions de migrants qui s’étaient réfugiés dans leurs villages, s’en retournent timidement vers les villes. La raison de ce «miracle» est connue: les 820MM² de crédit du 1er semestre, les 410MM² de stimulus de l’Etat, fouettant la demande en logis (+37% de janvier à juillet), en voitures (702.818 en août, contre 472.687 en février). La relance de l’Etat permet à des constructeurs auto locaux comme Geely ou Beijing Auto de lorgner le rachat de Volvo (2MM$) ou Saab, histoire de gagner des dizaines d’années dans la construction et la respectabilité d’une marque mondiale.

Mais cette thérapie financière relativement simple ne convainc pas tout le monde et commence à s’essouffler. La CIRC (China Insurance Regulatory Commission), par son président Li Kemu) avertit le Conseil d’Etat contre la tentation de lancer un autre train de stimulus. L’économiste Fan Gang lui conseille d’«ajuster» le crédit tant qu’il est temps. D’autres voix remarquent que ces invests-«bulle» vont éclater dès que l’Etat tentera de ralentir. Compilé sous la direction du prof. Cai Fang, le Livre Vert 2009 de la CASS (Académie chinoise des Sciences Sociales) reproche au stimulus d’avoir visé la hausse brute du PIB, au détriment de l’emploi : investis surtout dans le secteur public, ces 385MM² de cadeau d’Etat visaient 45 millions d’emplois. Mais un autre modèle économique misant sur les PME et le privé, aurait abouti à 72M d’emplois, 41% de mieux…

L’Etat lui, ne veut pas resserrer le crédit trop vite: au World Economic Forum à Dalian, (sommet de Davos), le 1er ministre Wen Jiabao promet d’en rester au plan du stimulus et de s’en tenir (sic) à une «politique de crédit modérément fluide».

Sur le long terme, la Chine (comme la Russie) tente de faire sa place dans l’aéronautique de demain, présentant son futur 200 places C919 (disponible en 2016), qu’il promet « moins cher », surtout en kérosène (-15%).

Pékin accélère aussi le redéploiement du textile, de la côte (80% de la production) vers le centre et l’ouest, et rappelle son plan de 42 lignes TGV d’ici 2012, sur 13.000km, à 350 ou même 500km/h… Autant de « recettes » pour sortir, sur le long terme, de la fuite en avant des investissements douteux, et éviter l’éclatement d’une bulle, en se réorientant vers une économie durable.

 

 

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