Du 4 au 8/09, la XVI. Foire du livre de Pékin a permis de vérifier la santé d’une édition chinoise cinglant à pleine voile à travers la crise, et l’engouement réciproque de la Chine et du monde, en matière de presse. Etaient présents à cette 4ème foire 1500 stands, avec à l’honneur l’Espagne, en souvenir du dominicain Juan Cobo qui avait publié en 1590 « Carta de la China », 1ère traduction occidentale du mandarin.
Le thème de l’année était le livre pour enfants, où la Chine voulait combler à vitesse accélérée un certain retard. Toutes les grandes maisons éditoriales s’étaient présentées pour vendre leurs droits, et à l’inverse, découvrir la perle rare parmi les auteurs chinois.
Sous l’angle commercial administratif, on note un phénomène inédit. La GAPP (General Administration of Press and Publication), tutelle tentaculaire, garde nominalement tous pouvoirs sur ses 579 maisons et veille jalousement au respect de leur statut public (puisque légalement, l’édition privée est interdite). Mais sous l’effet de la crise et d’un encouragement étatique, ces éditions suivent le même processus de concentration que la presse, et aboutissent souvent dans les mêmes maisons, immenses conglomérats de dizaines de journaux, radios, portails internet, éditions… un ou deux empires par provinces qui cultivent toujours moins l’idéologie, toujours plus les ventes, et l’indépendance face à la censure. Pas de timidité non plus vis-à-vis de la technologie : plus de 500.000 titres ont été mis en ligne sur internet en 2008 en version virtuelle, soit 25% de plus qu’en 2007, dont 30 millions vendus pour 44M$ (50%).
Sur le marché intérieur, les aides de l’Etat ont aidé à résister, notamment par ces 640.000 bibliothèques de villages en cours de constitution, avec un budget de 88M$. Au fond, des centaines de milliers de Chinois de la ville comme du village ont une soif de se cultiver. Bien conscients de travailler dans un environnement concurrentiel, ils doivent se cultiver et lire.
Quoique éludant la grande question du piratage des titres occidentaux, le Salon a été l’occasion d’un examen de conscience des éditeurs locaux : pourquoi leurs grands auteurs (Mo Yan, Yu Hua, Jiang Rong…) ne font pas à l’étranger le tabac d’un Haruki Murakami qui vend des millions de copies hors de son Japon natal. Le conseil des éditeurs étrangers aux auteurs chinois, est de s’adapter, de poursuivre l’ouverture des esprits et la quête d’une place mondiale conciliant leur identité et un style accessible. Justement, la Chine est l’invitée d’honneur du Salon de Francfort (14-18/10), occasion d’y montrer ses auteurs. Mais le rendez-vous est précédé d’une fausse note: Pékin a désinvité deux hôtes de ce 1er Salon mondial : l’écrivaine Dai Qing (écologiste) et le philosophe Xu Youyu, ce qui a hérissé l’Allemagne, à cheval sur les questions de démocratie. Comme quoi la vieille administration vit parfois difficilement ce vent qui l’emporte.
Sommaire N° 29