Tout pays autoritaire, à l’économie tournée vers l’export, dispose, pour placer ses recettes, de peu de voies : hausser les salaires, investir, épargner ou prêter. Mais les trois premières sont limitées par le souci de retarder l’émergence d’une bourgeoisie, la crainte de gaspillage et de détournements, et la pression à la réévaluation. Dès lors, seul reste le prêt, et Pékin se retrouve premier financier des USA, et de bien d’autres Etats, organes ou groupes mondiaux, tel Canary Warf, développement londonien de luxe, que la China Investment Corporation (CIC) s’apprête à refinancer. Il en résulte, pour la « monnaie du peuple » (人民币, renminbi) une mue accélérée, vers un rôle mondial, que l’Etat veut à présent accompagner.
Déjà responsable du dialogue éco stratégique avec les USA, le vice Premier Wang Qishan, reçoit la charge d’une force spéciale de six agences ou ministères, destinée à faire du RMB une devise forte. Il est en cela assisté de Mme Hu Xiaolian (n°2 à la BPdC, la Banque centrale). Fidèle à son style, le pouvoir choisit d’agir « par la bande », via Hong Kong et Macao. Déjà depuis décembre, les deux Régions administratives spéciales peuvent payer en Yuan leurs commandes à Canton et dans le delta du Yangtzé, et depuis avril, réciproquement. Ce trafic qui couvre bien sûr des échanges vers le monde entier, se montait l’an dernier à 203MM$. La Chine a aussi multiplié des accords de swap avec des pays d’Afrique et d’Asie pour 100MM$, réserves en monnaies nationales destinées à combattre la spéculation. C’est aussi dans ce cadre que la Banque centrale vient de prêter (3/09) la contre-valeur de 50MM$ en Yuan au Fonds monétaire international (FMI), qui reprêtera aux Etats, soit en dollars, soit en Yuan.
Autre initiative : le lancement, qu’on dit imminent après 10 ans de tâtonnement, du GEB, (Growth Enterprise Board), l’équivalent chinois, cis à Shenzhen, du Nasdaq de New York. Parmi les 22 premiers candidats (sur une liste de 104) pourraient figurer Hexin, Greatwise et China Finance Online, trois fournisseurs de services et de logiciels boursiers en ligne, aux dizaines de millions d’usagers privés et pour le seul Hexin, 95 maisons de courtage abonnées à son réseau Tong Hua Shun d’échanges de titres. A noter qu’environ un tiers des candidats sont d’avance cofinancés par du capital privé (venture capital). Un autre intérêt de ce lancement, passé la fête nationale serait, après quelques mois de test, d’autoriser l’échange des valeurs du GEB en bourse de Hong Kong, voire de Londres et de New York, renforçant ainsi la présence mondiale du Yuan. Question : l’engouement pour ce lancement bien préparé et aux valeurs choisies, tiendra-t-il la route, en forme de « V » de la victoire, ou bien rechutera en « W » -vieux jeu de mots chinois de « da bu liao » (打不了, «un coup pour rien »). Mais la même question mérite d’être posée sur toute la reprise chinoise : le pouvoir y répondra en lançant ou non, à la date pressentie, sa nouvelle bourse des valeurs.
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