Que la bataille de Kokang, en Birmanie, trouve sa place dans notre éditorial, ne surprendra guère. Les Kokang sont des Chinois ethniques en Birmanie depuis le XVII.s, en lutte (comme 16 autres clans et 40% de cette population de 56M d’âmes) contre la Junte du pouvoir central. Ce dernier veut réunifier le territoire, avant les élections de 2010, afin de ne pas céder à l’opposition cet argument critique. Au terme du plan de paix, les 17 minorités étaient supposées incorporer leurs troupes à un corps de garde-frontières : elles refusent, par manque de confiance. La junte a choisi de rompre 20 ans de cessez-le-feu pour soumettre une à une ces régions rebelles.
Mieux armées et entraînées, les troupes gouvernementales ont fait sauter en quelques jours l’enclave de Kokang, forçant des villages entiers à se replier vers la Chine, qui était préparée mais bien embarrassée. Quelques heures après la prise de Lugai (capitale de Kokang), s’étalait en face, à Nansan (Yunnan) un village de toile pour accueillir 37.000 réfugiés. Exprimant l’évident désir de ne pas laisser la situation s’éterniser, le pouvoir socialiste faisait le black-out sur toute nouvelle de presse, et démontait ce camp de réfugiés après deux jours. En même temps, il manifestait aussi son impatience envers son petit voisin, l’enjoignant le 29/08 de « traiter correctement ses problèmes domestiques et préserver la stabilité frontalière ». Pékin s’estimait bien mal payé de ses efforts, après avoir protégé durant des décennies le Myanmar (nom actuel du pays) de toute sanction internationale, en échange d’un large accès à son pétrole, ses ressources minérales et à sa façade maritime. Ce qui l’inquiète, est moins le sort de ses frères Kokang, que la résistance que vont livrer d’autres ethnies rebelles, comme les Sha ou les Karen, plus puissants et mieux armés. A l’évidence, ce conflit aux portes de la Chine ne fait que débuter. Ce que Pékin risque dans cette « galère », est rien de moins que le succès d’un de ses plus ambitieux projets pour assurer son autonomie pétrolière : l’oléoduc Shwe-Kunming, 1400km et des milliards de US$, contournant le détroit de Malacca et ses risques de blocus maritime.
Nouvelle donne aussi face au Japon, dont les dernières élections viennent de faire chuter (31/08) un mouvement libéral démocrate (LDP) usé par un demi-siècle de pouvoir, relayé par la formation plus socialiste du Parti Démocratique (PDJ). Pékin doit-il craindre la contagion d’un vieux pouvoir balayé par des élections? Non, car le PDJ hérite d’un Japon épuisé par la crise et les scandales, et d’autre part car ces deux Partis centristes sont si proches, aux élus changeant de bord constamment, qu’on parle à l’avenir d’une fusion des deux formations. Futur 1er ministre, Yuko Hatoyama est pour le Parti communiste chinois une énigme, un illustre inconnu. Par contre, son grand-père, déjà aux affaires 50 ans en arrière, avait été l’auteur d’une « main tendue » à toute l’Asie, ce qui peut susciter aujourd’hui chez lui une nouvelle vocation d’action vers la Chine. Mais avec une opinion intérieure à 70% hostile à la Chine (et réciproquement, d’ailleurs), de quelle marge de manoeuvre disposera-t-il ? Entre ces deux géants de l’Asie, toutes les relations politiques sont à recommencer. Seul « bon point » dans sa besace, Hatoyama a déjà promis d’éviter les visites au scandaleux sanctuaire de Yasukuni : c’est peu, mais mieux que rien !
Sommaire N° 28