Editorial : Vers la réforme financière, sous la contrainte

Cent navires en rade de Qingdao, attendent de longs jours pour décharger : profitant des bas cours mondiaux, la Chine stocke à tout-va houille, pétrole, minerai. Mais ces bateaux repartent à vide. Louis Kuijs, de la Banque mondiale, et d’autres analystes affirment que d’ici 2014, l’export chinois croîtra de moins de 5%/an : le ressort de la croissance chinoise des 20 dernières années est brisé !

Les groupes publics (et les mines mondiales) tiennent donc, par la seule vertu des 400MM² du stimulus public. Mais là encore, les experts avertissent: cet effort-là n’a qu’un temps. Stocker des matières 1ères n’a de sens, que pour les réutiliser. Faute d’export et d’un fort marché intérieur (les Chinois, eux aussi, sentent le besoin de stocker… leur épargne), cette stratégie devrait dès fin de l’année commencer à patiner, prévoit le Financial Times.

Les autorités déploient une stratégie puissante de sauvegarde de ses marchés à l’export. Au 1er juillet interviennent de nouvelles baisses des taxes à l’export de l’acier, des céréales. En octroi de prêts, après avoir dépassé en six mois le quota annuel prévu (6500MM¥ déjà prêtés), Pékin annonce un renforcement du crédit et use de toutes les techniques pour laisser aux banques un maximum de cash disponible, pour les achats immobiliers ou la reprise -imminente- des cotations en bourse après six mois de black out : Sanjin (pharmacopée) entre à Shanghai, avec 88MUS$ de parts émises. La Chine baisse aussi (les USA s’en plaignent) sa lutte contre piratage, technique pour réduire les imports. Et la Banque populaire de Chine a repris ses achats de devises, afin de maintenir le ¥uan sous-évalué.

Tout ceci donne l’image d’une administration efficace et disciplinée, et d’un plan sans faille pour minimiser en Chine l’effet de la crise mondiale. Intérieurement, le pouvoir annonce son «projet 421», destiné à commander sous 3 mois pour 42MM$ de matériel mécanique et électronique made in China -quoique pas uniquement par des firmes locales : sous trois ans, Siemens prédit qu’il recevra pour 20MM¥ de commandes dans ce pays.

Mais cette annonce bénigne est «too little too late» pour éviter le retour d’hélice du reste du monde. K. zu Guttenberg, ministre allemand de l’économie dénonce ce protectionnisme. Union Européenne et USA se plaignent devant l’organisation mondiale du commerce (OMC) contre le blocage chinois à l’export de produits stratégiques (coke, bauxite ou zinc)… Et ce n’est qu’un début.

En somme : par son arsenal d’actions, la Chine semble sur le point de tenir au 2d trimestre, son pari d’une croissance de 8% : succès formidable, alors que la Banque mondiale prédit au monde entier, pour 2009, une récession de 2,9%. Mais cette réussite, pour durer, devra passer à d’autres méthodes, davantage acceptable par les partenaires : après avoir mangé son pain blanc, Pékin va devoir se nourrir du noir.

Quels outils nouveaux? Il n’en reste qu’un : la réforme financière, pour plus de productivité. L’Etat peut privatiser ses services, pour les rendre moins gaspilleurs, plus rentables. Il peut aussi réorienter le crédit des villes vers les campagnes, des grandes entreprises d’Etat (GEE) vers le privé. De cette tumultueuse réforme, on voit déjà les prémisses, tel l’ordre donné à 131 GEE de remettre 10% de leurs parts au Fonds de la sécurité sociale. La sécurité sociale va se recapitaliser de 64MM¥, pour faire face à d’énormes besoins proches, en retraites et en mises à pied. Signal d’un avenir pas si rose !

 

 

 

 

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