Temps fort : Contre le tabac, une guerre sans la foi

Deux actions débutent pour réduire l’emprise du tabac sur ce peuple le plus fumeur sur Terre (350M d’accros, à près d’1 paquet/jour en moyenne!!!). Il est temps. A présent, le tabac tue 1M par an. En 2025, il en tuera 2M, et 3M en 2050. Le coût social officiel est de 150MM¥, et bien plus si l’on compte les années de travail et les compétences non prestées par ces fumeurs décimés.

La 1ère mesure est une hausse de la taxe, +6 à 11% selon classe. C’est bien mais, remarque Mao Zhengzhong, professeur de Santé publique à l’université du Sichuan, l’action vise moins de restreindre le tabagisme, que de remplir les coffres de l’Etat de 4,4MM$ frais. Les 1000 usines locales de tabac peuvent se permettre d’absorber la taxe sans la répercuter sur les ventes au détail. Et même si elles le faisaient, le prix resterait à moins du tiers de celui pratiqué en Occident. Après la hausse, la taxe passe à 50% en moyenne contre 60% à l’Ouest, et selon M. Mao, pour avoir de l’effet, vu le faible coût de production, elle aurait dû être portée à 65% !

L’autre action est privée: via leur fondation, Bill et Melinda Gates offrent à 7 villes chinoises 100.000$ par an, reconductibles durant 5 ans selon résultats, pour une campagne Ville libérée du tabac. Shanghai, Luoyang (Henan), Wuxi (Jiangsu), Ningbo (Zhejiang), Tangshan (Hebei), Changsha (Hubei) et Qingdao (Shandong) choisissent leurs moyens, aidés en cela par l’université américaine Emory (Floride) et un centre pékinois de recherche de santé publique. A Luoyang, la cible est le tabagisme au foyer et la fumerie passive, qui tue chaque année en Chine des dizaines de milliers : les groupes-cibles sont les jeunes mariés, les femmes enceintes et jeunes mères.

Progrès, donc, mais trop lents. La Chine n’est pas mure pour abolir le monopole public, comme le propose Zou Fangbin, professeur d’économie à Canton. Zou estime ce monopole inéquitable, forçant le paysan à payer 20% de taxe sur son tabac, seule taxe agricole qui n’ait pas disparue en 2006. De même, acheteur unique, il force le paysan à accepter son prix. Le consommateur est aussi sa victime, étant souvent en dépendance, prêt à payer un prix inflexible.

Pieuvre de 500.000 actifs, le monopole dépense 100MM¥ en investissements annuel, meilleur moyen de renforcer son emprise. Son poids lui permet de contourner la convention de l’organisation mondiale de la santé (OMS) sur le contrôle tabagique (dont la Chine est pourtant signataire), qui impose d’inscrire sur les 100MM de paquets qu’il produit par an, des formules comme « le tabac tue », ce que 70% des Chinois ignorent. Ceci mène J. Koplan, chef de file du projet Gates à observer, dans la presse locale : «tout passe par la volonté politique».

On peut comprendre le dilemme de l’Etat, entre son million de morts du tabac par an et les centaines de milliers de familles brisées qui s’ensuivent, et la voix discrète mais impérieuse de son monopole, qui lui verse d’année en année 9% de son budget—assez pour financer, sur l’herbe de Nicot, l’armée et l’éducation réunies !

 

 

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