Editorial : Slalom géant diplomatique

Deux sommets entre pays émergents viennent de se tenir en parallèle (15/06) à Yekaterinburg en Russie, sans présence occidentale. Rendez-vous de type « non-aligné » que Mao Zedong n’eût pas désavoué !

Le premier réunit la SCO, (Shanghai Cooperation Organization) dite club de Shanghai, création sino-russe de 2001, destinée à encadrer les petits voisins d’Asie Centrale: Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan, et Tadjikistan. Cette 9ème édition fut sans faste, révélant une baisse d’attractivité, dès lors que les USA se désengagent de la zone, et que la menace islamique s’avère toujours moins vive, dans cette Asie russifiée, aux traditions de tolérance. La seule chose qui éclate en Asie Centrale, est la rivalité sino-russe, à propos du pétrole local que Moscou ne peut plus empêcher de couler vers l’Europe ou l’Asie, accélérant l’émancipation de ses ex-vassaux… Cette rivalité s’exprime dans les 10MM$ d’aide octroyée par Hu Jintao aux quatre républiques cette semaine.

Plus en vogue, fut le sommet des Présidents des BRIC, acronyme forgé dès 2001 par Goldman Sachs : du Brésil (Lula), de la Russie (Medvedev), d’Inde (Singh) et de la Chine (Hu), quadrille de pays à croissance accélérée, pesant en 2007 15% du produit brut du monde, et 42% de ses devises (2800MM$). Les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) aiment parler d’une voix, suggérant alliance et communauté de destin. Mais ce qu’ils montrèrent le plus à Yekaterinburg, fut leurs divergences. Moscou espérait réduire le rôle du dollar et faire progresser l’idée d’une devise neutre, multinationale : le sommet n’accoucha de rien sur le sujet, faute du soutien d’une Chine inquiète de voir s’effriter ses 763,5MM$ en bons du Trésor… Les BRIC se contentèrent de confirmer leur renforcement de la trésorerie du FMI : 50MM$ pour la Chine, 20MM pour Russie et Brésil…

Si Moscou avait des soucis avec Pékin, Pékin en avait avec Delhi, dont les militaires tiennent des propos aigres sur l’allié chinois. Regrettant le quadruplement en 2008 (de 60 à 270), des «intrusions» de l’APL dans les zones frontalières contestées, l’Inde re-déploie sur les 3500km de sa façade nord deux divisions (jusqu’à 50.000 hommes) et un arsenal aérien moderne, 3 Awacs, 28 chasseurs bombardiers Su-30MKI. En même temps, son état major n’hésite pas à envisager des conflits futurs avec la Chine. Tardivement, Delhi l’a «réprimandé », tandis que Hu exprimait son inquiétude à Singh, en tête à tête.

A des milliers de km plus au sud, Hanoi (et d’ailleurs aussi Taiwan) s’inquiète du quadruplement des missions de garde-côtes chinois au coeur de la mer de Chine, affichant leur souveraineté bien au-delà de leur ZEE (Zone Economique exclusive (maritime) de 200 milles marins. De ce fait, des centaines de chalutiers vietnamiens n’osent plus sortir. Raisonnable sous l’angle de la conservation des stocks, la campagne de la Chine passe malgré tout mal auprès des voisins, car elle la déploie dans des zones litigieuses, en attente de partage.

De ces tensions, quelle conclusion tirer? Peut-être l’image d’une puissance qui teste son influence dans toutes les directions et cherche sa synthèse, en pleine mutation. Elle doit composer entre ses instincts patriotes et ses responsabilités internationales, ses intérêts financiers et ses réflexes autoritaires. Pour apprendre, la Chine a peu de temps : elle « fait avec ce qu’elle a », et sonde les limites de ses pouvoirs tous neufs : c’est l’histoire en marche, cette fois, en sa faveur, faisant grincer des dents.

 

 

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