Depuis Deng Xiaoping, la politique commerciale de la Chine est celle de l’ouverture. En 20 ans, ses échanges ont centuplé avec pour seule limite, sa capacité concurrentielle. A ce jeu, le pays s’est retrouvé largement gagnant, matériellement, et en influence.
Vu de la sorte, le tournant opéré le 26/05 est difficile à comprendre. Avec 9 ministères, la NDRC (National Development and Reform Commission ) décrète abruptement que les contrats financés d’ici fin 2010 par les 400MM² du stimulus, seront réservés aux locaux. Même les firmes étrangères, produisant sur place avec employés locaux et intégrant plus de 70% de pièces locales, sont exclues de la manne publique.
La tendance se devinait dès avril, lors de l’appel d’offres de 7MM$ pour 25 centrales à éoliennes. Les leaders mondiaux GE (US), Vestas (DK) et Suzlon (Inde) avaient été rayés d’emblée, au nom du critère «prix», préféré à ceux de l’«entretien» et de la «durabilité», ce qui avait provoqué la protestation des chambres de commerce américaine et européenne (son Président Joerg Wuttke).
La Chine se justifie: ses firmes souffrent de discrimination de la part de l’Inde qui décrète le ban sur les jouets ou les GSM chinois (entre autres), au nom de la défense de ses PME contre une politique «prédatrice». De la part du New-South Wales (Australie) aussi, qui boycotte tout produit et services chinois (même excuse). Voire, de la part de Rio Tinto qui vient de casser un accord avec le chinois Chinalco, au profit de son compatriote BHP-Billiton.
A ce tournant commercial, on peut offrir deux tentatives d’explication.
La 1ère exprime l’inquiétude réelle du régime, sur sa capacité à sortir de la crise. Même si son économie donne des signes encourageants de convalescence -la Banque Mondiale vient de réviser son taux de croissance pour 2009, des 6,5% initiaux à 7,2%. La Chine a un besoin criant de créer 22M d’emplois en 2 ans, en échange de ses 400MM² d’investissements. Il y a des moments où tous les moyens sont bons…
La 2de, est plus politique. Les étrangers ne sont pas les seuls visés, mais aussi le secteur privé, lui aussi sevré du stimulus, comme ces centaines de PME de meubles et 10.000 employés qui se révoltent à Nankang (Jiangxi, 15/06) suite à une maladroite nouvelle taxe provinciale, et brûlent 15 voitures de police. En réservant le stimulus aux Entreprises d’Etat, le régime semble tenté par un choix de renationalisation relative, ou de frein à la privatisation.
Economiste à Pékin, M. Pettis n’hésite pas à voir en ce choix une lourde erreur: « pour un pays à surplus commercial comme la Chine, « achetez chinois » va alimenter la vague protectionniste, où elle a plus à perdre que les autres». Déjà Bruxelles demande des explications, et étudie sa riposte possible arsenal de contre-mesures. Pékin a à perdre dans ses exportations, mais aussi par rapport à ses espoirs d’alliance privilégiée avec les USA, et d’obtenir de l’UE la «clause de la nation la plus favorisée ». Elle risque aussi sur le rachat de Volvo par Geely à Ford : un accord à 3MM$ est sur la table, que Bruxelles va devoir autoriser. Ainsi par cette fuite en avant, la Chine montre sa faiblesse, et semble sacrifier l’avenir au court terme.
Sommaire N° 22