Editorial : La méthode Coué de l’Etat chinois

« La Chine est moins prête que l’Ouest à affronter la crise» : cette opinion d’un étranger dans une firme d’Etat, a de quoi surprendre: ce pays surdoué de l’improvisation et de l’export pourrait-il se laisser désarçonner par la récession? Pourtant le jugement est justifié par la passivité de sa firme, contraire aux instructions de sa tutelle SASAC (State-Owned Assets Supervision and Administration Commission), de préparer l’avenir en multipliant les fusions/acquisitions, afin de réduire d’ici 2010 le nombre des nébuleuses publiques, de 139 à 110. Mais confrontés à l’implosion inouïe, ces firmes n’écoutant que leur instinct, évitent le risque, préfèrent préserver leurs positions acquises: peu de concentrations à l’horizon, peu de marketing et exploration de marchés nouveaux, même dans le pays.

Liu Mingkang, patron de la CBRC (tutelle des banques), cite un «coupable» inattendu à la fuite du crédit: les pouvoirs locaux auraient «sérieusement réduit les remboursements». Suggérant chez les hobereaux rouges aussi, cette même rechute que les entreprises d’Etat à des pratiques socialistes d’antan en confondant la banque et leur tirelire. Pour faire face à ce pourrissement rapide, Liu veut à l’avenir tolérer plus de mauvaises dettes, qui ne faisaient en septembre, que 5,49% des actifs contre 6,3% en mars. En fait, il n’a pas le choix: punir les banques et exiger en même temps qu’elles prêtent plus, est un non sens!

L’assainissement de la Banque de l’agriculture s’accélère. Novembre avait vu l’octroi de 19MM$, coup d’éponge aux dettes (de 91MM$). Le 12/1, elle se mue en compagnie à actions, aux mêmes patrons (Huijin, Ministère des finances) que ses soeurs grandes Banques d’Etat : la voici prête à passer en bourse, et vendre des parts à des investisseurs «stratégiques » – lesquels, pour l’heure, risquent d’être rares.

Après trois mois d’attentisme, le Conseil d’Etat lance ses mesures de relance secteur par secteur- acier, auto (cf p.2) : lenteur qui trahit les conflits d’intérêts entre lobbies et ministères, et entre les choix stratégiques à faire: renflouer, ou laisser faire la nature (faillites, rachats) ou aider indifféremment chinois ou étrangers en fonction de leur vertu éco-protectrice.

Méthode Coué : en tournée dans le Jiangsu le 1er ministre Wen Jiabao prétend (11/01) que la Chine sera le 1er pays à sortir de la crise, et que le grand plan a «déjà commencé à porter ses fruits». Tout en précisant que 60MM², 10% des crédits iront à six projets à vocation «scientifiques et techniques», dont probablement la réalisation d’un aéronef gros porteur. Wen annonçait aussi de sérieuses rallonges de budget d’ici mars, sans préciser les bénéficiaires—peut-être la sécurité sociale, et ce programme tout neuf de construction de 2000 hôpitaux de campagne et 6000 dispensaires urbains.

Alors, qui a raison ? L’Etat manipulateur d’opinion, mais qui tient en main le décuple des moyens disponibles à l’Occident, ou bien la morosité têtue du terrain ?  Cette fois-ci, il serait dans l’intérêt de tous (du monde aussi) que le régime gagne la partie. 

 

  

 

 

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
9 de Votes
Ecrire un commentaire