Editorial : Sur le front anti-fraude, du nouveau

Au tournant du siècle, le Président Jiang Zemin lançait régulièrement ses vastes campagnes policières «yanda» (严打, « frapper fort ») pour impressionner, sinon décapiter la corruption. Aujourd’hui une purge plus discrète, mais plus efficace déferle, signée Hu Jintao, en partie pour satisfaire une population fragilisée par la crise et détestant les fraudes des puissants, en partie pour préparer la guerre de succession—l’après 2012…

 A Canton, sont limogés ou arrêtés quatre des plus hauts cadres, à la tête du bureau du travail, de la police, de l’anti-corruption ou du tribunal d’instance. Au Henan, c’est le cas de Xiao Shiqing, 46 ans, ex-Président de Galaxy (2de maison de courtage). A Pékin Zhao Huayong, 61 ans, ex-«empereur» de la CCTV, la télévision nationale, est limogé pour avoir toléré contre l’avis des pompiers, trois feux d’artifices sur une des tours de la CCTV le 9/02. Cette tour, orgueil de la capitale, joyau des architectes hollandais Rem Koolhaas et Ole Schereen, était réduite en fumée, causant près d’1 MM$ de perte (incluant les frais de démolition).

Même tour de vis dans l’armée. Sans précision sur ses fautes éventuelles (secret militaire, strictement respecté en Chine), son commandement est averti par Hu Jintao en personne de mieux combattre l’indiscipline, la luxure, l’hédonisme, le gaspillage et « toute déviation… due à une perte de foi dans le Parti et son idéologie ». 

Si la campagne de Hu Jintao donne plus de résultats, c’est qu’on assiste à un progrès dans les méthodes, traduisant une volonté politique accrue. Les firmes surtout chinoises opérant en Chine mais enregistrées aux British Virgin Islands (BVI), principaux véhicules de nettoyage d’argent sale par le biais des fonds d’investissements, sont dans le collimateur : les offices des impôts promettent d’éplucher leurs comptes, avec des techniques fidèles aux normes internationales. Le but est de prélever 10% de dividendes, avec effet rétroactif au 01/01/2008.

Le soutien du public est sollicité : depuis janvier, des lignes de téléphoniques confidentielles sont multipliées. Début mai, le Procureur suprême rémunère le délateur : jusqu’à 10% de «sa» saisie (jusqu’à 200.000¥), et 5000¥ pour des affaires non financières. Cette prime doit aussi compenser l’informateur pour son risque, car les corrompus au bras long s’empressent de faire embastiller leur dénonciateur pour… corruption. Dans ce contexte, toute la Chine a reçu avec fascination ce message délibéré du pouvoir, la remise en liberté « faute de preuves» de deux bloggeurs du Henan, incarcérés suite à leur acte de courage… De tels efforts ont permis, en cinq ans, de faire condamner 300.000 corrompus, dont 80% sur dénonciation.

Signalons quand même les limites de cette campagne. Limogés avec fracas, des cadres sont rétablis un peu plus loin tel Bao Junkai, n°2 national de l’hygiène: après son renvoi à l’automne suite à l’affaire Sanlu, il a été repêché et promu par ce même bureau en décembre 2008.

D’autre part, des journalistes, des hauts cadres risquent la prison, pour s’attaquer aux barons rouges ou aux lobbies : la corruption se protège derrière le Parti.  Les actions nouvelles marquent un progrès, mais il manque, pour un grand nettoyage, la clé de voûte, pratiquée depuis 20 ans avec grand succès à Hong Kong : l’indépendance judiciaire, et la liberté de la presse. Une étape que Pékin n’est pas -encore- prête à franchir.

 

 

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