Temps fort : Brésil – les nouvelles alliances

Lula, le flamboyant  Président brésilien, est reparti chargé de contrats : 13 accords d’export de poulet et de boeuf en Chine, trois satellites conjoints sous quatre ans et 10MM$ de prêt chinois à Petrobras. Arrêtons-nous sur ce dernier deal, qui marque un tournant. Aidée par le besoin désespéré de la Chine en hydrocarbures, Brasilia a tiré le meilleur d’un pays pourtant notoire pour sa dureté en négociation. Contre ce prêt à 6,5%, le Brésil lui garantit pendant 10 ans 200.000 baril par jour, au cours du  marché : ni tarif bloqué, ni prise chinoise de capital. Petrobras conserve la maîtrise complète de son produit, contrairement, par exemple, à l’Australie qui ne peut empêcher les groupes chinois d’entrer au capital de ses mines.

Ce contrat permettra à Petrobras de développer Tupi, gisement sous l’océan Atlantique, qui nécessitera 174MM$ d’investissement en cinq ans: le jeu en vaut la peine, avec des réserves  estimées entre 5 et 8MMbarils. Aussi Sinopec, qui voyait l’an passé ses réserves baisser de 6,4%, peut ré étoffer son patrimoine. Ce type d’accord en rappelle d’autres, juste signés par la Chine: tels les 25MM$ payés à Rosneft (Russie) en échange de 15Mt/an durant 20 ans, ou d’autres avec Kazakhstan ou Venezuela.

L’accord brésilien contribue à modifier la carte des échanges planétaires : en avril, la Chine dépasse les USA comme 1er partenaire commercial du Brésil, avec 3,2MM$ d’échanges en avril contre 2,8MM$ aux « States ». C’est la fin du «hinterland» US, bastion commercial que Washington avait su préserver durant un siècle, au nom de sa fameuse doctrine Monroe.

Entre ces nouveaux alliés, il n’en faut pas plus pour rêver plus loin : éliminer le dollar comme monnaie de leurs 42,5MM$ d’échanges de l’an dernier (jan-oct), et commercer dans leurs propres devises, pour s’épargner les commissions de change. Lula propose  aux autorités monétaires chinoises et brésiliennes de mettre au point «dans l’année» une «régulation». Déjà, un accord a été conclu en septembre dernier, permettant le règlement en Yuan pour le minerai ou soja brésilien. Et en décembre, la banque centrale brésilienne octroyait une licence à la Bank of China pour une filiale.

Mais face à ce projet, nombreuses sont les réserves, telle celle du Gouverneur de la Banque du Brésil pour qui prétendre échanger entre deux monnaies non convertibles, tient du «bavardage» – même avec l’Argentine, le Brésil n’y est pas parvenu!

On peut pardonner au leader du pays de la samba de se laisser griser par ses succès. L’essentiel est ailleurs. Il réside dans la fulgurance, entre ces pays, jeunes et géants, d’échanges basés sur une complémentarité réelle -énergie chez l’un, capacité industrielle chez l’autre. «Nous n’avons réalisé que 10% de notre potentiel », estime Lula.

Projet irréaliste aujourd’hui, mais qui préfigure le futur ordre mondial. Brésil, Chine, et bien d’autres viennent de se griller les ailes à la planche à billets américaine, laquelle tourne aujourd’hui plus que jamais. Avec la vitalité et le volontarisme des pays émergents, la marche mondiale vers une devise neutre, ne devrait pas tarder des décennies !

 

 

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