Dans la halle de montage près de l’aéroport de Tianjin, sur le campus bien gardé d’Airbus China, l’impression est magique : quatre A-320 verts pâles (couleur de la peinture sous-couche) à des degrés divers de finition, en train de recevoir leurs ailerons, ailes, portes. Plus loin, en un autre hangar, rutilante dans sa livrée rouge-carmin, la 1ère machine complète poursuit ses tests (pesage, kérosène, 1ers vols) avant d’être livrée en juin à Sichuan airlines.
La montée en puissance est époustouflante. Les halles (montage, peinture, équipements, contrôle qualité) sortent de terre au rythme d’une par mois. Lancée le 18/08/08, la chaîne a achevé en décembre l’assemblage de sa 1ère cabine, dont la peinture était prête dès février. Les autres avions suivent, en six segments par appareil, acheminés depuis Hambourg par l’armateur Cosco : le 8ème débarque cette semaine. Au rythme d’un par mois, Tianjin livrera onze A-320 cette année, 26 en 2010, 48 en 2011, à une clientèle chinoise ou asiatique. En cours de route, l’équipe d’Airbus a dû régler un problème imprévu : les clients redoutaient le made in China et réclamaient des avions venus d’Europe: «Il a fallu, dit Marc Bertiaux le Vice Président, leur démontrer que la qualité serait ‘au moins égale’ à celle d’Europe».
Sévère, très couru (jusqu’à 1000 candidats par poste), le recrutement est quasi-achevé. Quoique diplômés, les ‘élus’ ont suivi un an de formation entre Pékin et Hambourg avant de rejoindre la chaîne. Ils sont 300 à Tianjin, avec 140 chefs d’équipe français ou allemands, lesquels resteront au moins 5 ans, le temps de former leur relève locale. D’ici 2011, le personnel aura atteint les 480 postes prévus.
Le coût de ce montage à Tianjin reste plus cher que son grand-frère d’Europe. Il baissera avec l’accélération de la cadence, le départ des expatriés et la production locale de pièces par six usines partenaires entre Xi’an et Harbin, capables de produire la moitié des composants de l’A320.
Avec cette usine à haut savoir-faire européen, existe un risque qu’on évoque peu officiellement mais beaucoup en sous-main: celui du piratage, en faveur des programmes locaux, l’ARJ-21 de 100 places, le futur gros porteur C-919. C’est ce danger qui aurait incité Boeing à offrir à la Chine un modèle obsolète, qu’elle a refusé. Airbus limite le risque en conservant 51% des parts de la JV, et en se réservant la production des composants de pointe: le groupe a retenu la leçon des déboires de MDD (USA), et de sa JV ratée en Chine en 1994.
Mais face à cela, que de belles perspectives, dans cette coopération: réduire les coûts des pièces, renforcer la capacité de design, de maintenance, de réduction des émissions de CO² (en production et en vol), de recyclage… Partager la vie aéronautique. Et avant tout, prendre d’avantage des 2000 commandes locales d’avions attendues sous 10 ans, et rattraper Boeing, qui équipe encore 60% de la flotte chinoise : « que notre effort soit payé de retour », dit notre guide, d’un mince sourire.
Sommaire N° 13