Petit Peuple : Chongqing, le richard aux 10.000 balles!

A Chongqing, Qiu Guoqing,  est une célébrité controversée, escroc aux yeux des uns, saint ou philanthrope, pour les autres. C’est que la plupart de ses 93 ans, il les a passés à gagner et à donner, les seules passions de sa vie. Au reste, célibataire invétéré, il vit de rien, en garni, après avoir offert 130.000 ² depuis 1990.

Pour oser sa 1ère  donation, Qiu a attendu 75 ans:10.000¥, en contribution aux Jeux Asiatiques. Enorme pour l’époque (1990), la somme fit tourner vers lui les feux de la rampe, y compris ceux des impôts : il était entré au 万元户wan yuan hu, club des « richards de 10.000 balles ». Qiu enchaîna par un chèque au projet «Hope» d’aide à l’enfance malheureuse, puis un autre aux victimes des crues de 1991. Son record, 100.000¥, il l’allongea à l’école de Qixian son village. Son dernier versement, il l’a bien sûr porté aux sinistrés du séisme sichuanais de mai dernier.   

Qiu n’est pourtant pas né une cuillère en argent dans la bouche. Orphelin- élevé par sa grand-mère dans la gêne, il dut se faire seul, ferrailleur à 10 ans, patron d’une quincaillerie, puis d’un mont de piété aussi lucratif que clandestin. A l’âge où d’autres pensent à la gaudriole, il investissait avec des partenaires dans un «Hôtel de Chine», puis dans un parc immobilier diversifié.

Jusqu’ aux années ’70, époque terrible où il pratiqua sa charité sous le manteau, comme un vice dont on est accroc, mais que l’on cache. En pleine Révolution culturelle et juste après, la fortune privée restait intolérable, sauf s’il restait caché, sous le « bonnet rouge» de structures prétendument publiques. En ces temps là, il se limitait à offrir un sac de riz aux voisins incapables de joindre les deux bouts, à prêter un fourgon un jour ou deux à un entrepreneur débutant, ou donné ni vu ni connu, un petit banquet aux proches d’un jeune qui se mariait…

Bientôt pourtant, Guoqing ressentant toujours plus l’urgence du mécénat, ne se satisfit plus de sa charité au petit pied. A 69 ans, il bazarda ses logis, les convertit en obligations, qui l’enrichissaient plus vite, tout en lui donnant accès à du cash pour ses oeuvres. 

On voudrait peut-être savoir quel moment de sa vie déclancha cette vocation? Elle eut lieu très tôt. A huit ans, alors que la faim l’assiégeait en permanence, ventre creux, visage diaphane et les jambes plus fines que ses baguettes, il était tombé d’inanition, en l’absence de sa grand-mère.

A son réveil, il avait eu la géniale surprise d’un bol de riz chaud, qu’une voisine compatissante devait de porter à son chevet : il s’était alors juré de consacrer sa vie à soulager à son tour la faim des autres : à 慷慨解囊 kāng kǎi jiě náng,  «desserrer pour les plus démunis les cordons de sa bourse».

Mais on l’a deviné: depuis longtemps déjà, ses ambitions de largesse dépassent ses moyens : voici 13 ans que pour assumer ses besoins à lui, il doit faire les ménages et re-venir occasionnellement, au métier de son enfance, chiffonnier. Ces derniers temps, il épargne comme un rapiat pour réaliser son grand-oeuvre, une fondation, pour poursuivre la tâche au-delà de la mort.

Qiu ne fait rien de tout cela pour l’honneur : l’idée de la notoriété ne l’effleure même pas. Le désir d’une fondation est plus lié aux échecs rencontrés durant sa vie de mécénat. Le flou des oeuvres de l’Etat, dans les rapports qu’elles lui ont faites de l’usage de ses dons. Les gaspillages, détournements peut-être. En bon « pro », avec l’âge, il réalise que même pour faire le bien, on est jamais si bien servi que par soi-même : la gestion directe, est la plus sage !

 

 

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