A la loupe : Chongqing, laboratoire d’un test sans auteur

Le 31/12, le Conseil d’Etat adopte un innovant plan expérimental de croissance rurale pour Chongqing, région pauvre aux 33M d’habitants dont 80% de paysans. La région reçoit le mandat d’accélérer le rattrapage, et des outils inédits pour attirer la finance publique et privée (avec privilèges fiscaux) et la technologie. Chongqing doit devenir le hub de l’Ouest, y compris dans les échanges avec l’Asie Centrale, accueillir les complexes industriels mondiaux (textile, mobilier, mécanique) de dernière génération, profitant de l’abondance locale en énergie (barrages) et main d’oeuvre. Des grands travaux sont prévus, dont un port franc sur le Yangtzé, et une ville nouvelle au nord.

Le plan s’est vu octroyer des réformes inédites : la suppression du hukou, document qui enchaînait le paysan à sa glèbe ; la libre utilisation de la terre, et une couverture sociale pour tous, à court terme -on ignore par quel financement. L’objectif en 11 ans, est de combler le fossé de revenu entre ville et village, et par cet immense marché (940M d’âmes), compenser la saturation de ceux du monde riche.

Ce plan traduit un saut conceptuel, une rupture. Depuis 2003, le tandem Hu Jintao – Wen Jiabao s’efforce d’étendre l’accès du paysan à la santé, à l’école, au crédit. Mais ce plan prétend aller plus loin, rendre la campagne concurrentielle à la ville, en plaisir de vie comme en capacité productive. Sans pollution, mais avec internet. Chongqing est le laboratoire à ce plan destiné à être étendu au plus vite au pays -en cas de succès. Cette expérience est lancée au bon moment, en pleine crise (limitant les objections), alors que le pays réclame des solutions nouvelles, sous peine de sombrer dans le chaos. 

Fait insolite : en dépit de (et en fait sans doute, en raison de) son audace, le plan n’apparaît dans la presse que très discrètement, sans détails. Surtout, manque le nom de son auteur, Bo Xilai. Bo avait souffert dans sa carrière, bloqué par Jiang Zemin qui lui reprochait son franc-parler et sa popularité. Tiré de 17 ans d’« exil » au Liaoning par Hu Jintao en 2003, il devenait ministre du Commerce, mais sa promotion en 2007 à la tête du Parti à Chongqing, était à double sens, voie de garage pour les uns, tremplin pour les autres, tandis que la succession de Hu était déjà désignée, partagée entre deux autres hommes bien moins connus. A présent, le lancement anonyme du plan de Chongqing, ne fait rien pour lever l’ambiguïté, sur l’avenir de Bo Xilai.

 

 

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