« Nous sommes pleinement conscients de l’écart entre notre travail… les urgences de la situation… et les attentes de la population»: c’est en ces termes que Wen Jiabao, ouvrant la session annuelle du Parlement (ANP – Pékin, 5/03), reconnut les retards en réforme politique. Avec son humilité coutumière, le 1er ministre face aux 3000 édiles, poursuivit la critique des cadres, dénonçant tour à tour la fuite des responsabilités ou l’arrogance mandarinale – désignée sous l’euphémisme de « problèmes de contrôle et d’équilibre dans l’exercice du pouvoir».
Deux mots d’ordre font le fil rouge de son rapport : lutte contre l’inflation, soutien du paysannat.
Confronté à une pénurie alimentaire mondiale, Wen voit inévitable une nouvelle flambée des prix, mais prétend l’endiguer à 4,8% pour 2008 -ce qui semble illusoire, l’indice ayant flambé de 7,1% en janvier suite aux intempéries qui paralysèrent le centre et sud du pays. Wen veut le faire, en «accroissant substantiellement l’offre alimentaire » (en améliorant le revenu paysan, et en important davantage), et en «réduisant la demande inutile», à savoir la conversion du maïs en éthanol. La lutte contre le gaspillage et l’indiscipline porte un nom, martelé par le Président Hu Jintao : le «développement scientifique».
De même, la croissance doit plafonner à 8%, très en dessous des 11,4% de 2007 : sous l’effet d’une fermeture du robinet du crédit (qui resta pourtant lettre morte en janvier!). Exception (à part l’armée, cf p.2): les campagnes, qui recevront 562MM¥ en 2008, soit +30% en primes à l’équipement, aux semences, en hausse du prix plancher de leurs produits, et en mini-équipements d’ énergie renouvelable -5M de fosses à méthane par an, des crédits dans les mini-barrages et l’irrigation enterrée (hydroponie). Tandis que l’assurance maladie couvrant (trop légèrement) 730M de paysans verra sa couverture doublée sous 2 ans, de 50¥ à 100¥ par assuré.
Cette sensibilité rurale est le propre de l’ère de Hu Jintao, tentative de rééquilibrage après des décennies de favoritisme des villes. Wen Jiabao avoue ailleurs dans ce rapport les «difficultés» à enrayer l’écart de développement entre villes et campagnes, et même d’enregistrer plus de gains dans la récolte céréalière, laquelle enregistre cet automne un déficit de 5,5% (cf p.2). Sans le dire, l’effort financier en faveur des fermiers tente de désarmer le défi de 10aines de milliers de paysans dans 4 provinces, qui viennent de défier le principe de la propriété foncière collective, et de se liguer en prétendant l’abolir.
Évitant toute concession démocratique radicale, Wen offre une palette chatoyante de progrès «socialistes»: plus d’écoute de l’opinion dans la préparation des lois, plus de lutte contre la corruption, d’égalité devant la loi. Jiang Enzhu, porte-parole de l’ANP, évoque une réforme de la loi électorale, mais simplement pour donner autant de députés aux villes qu’aux campagnes…
Wen Jiabao cite Mao Zedong (son slogan des«100 fleurs»), et Deng Xiaoping («rechercher de la vérité dans les faits»). Choix tout sauf anodin : à l’impossible aspiration populaire, il répond sur le ton de la nostalgie, et faute de pouvoir y accéder, tente de maintenir le lourd appareil sur ses rails, par le simple rappel des beautés (dépassées) du passé.
Sommaire N° 9