A la loupe : ‘Le port du bout du monde’ devient chinois

Fondé en -482 par Thémistocle, le plus vieux port d’Europe, Le Pirée vient de prendre un coup de jeune en devenant chinois, deal signé (le 25/11) à Athènes, en présence du Président Hu Jintao.

En trafic voyageurs, Le Pirée dessert les îles (19M passagers/an, 3ème port mondial), et en fret, les Balkans et l’Asie, avec 1,37M de « boites » EVP traitées en 2007. Quoique la Grèce tienne 20% de la flotte mondiale, et quoique Le Pirée soit 1er port de l’Europe du Sud-Est, sa croissance était jusqu’alors bloquée par :

● l’indifférence de ses armateurs, émigrés entre Alexandrie, Londres et NY, et celle des investisseurs d’Europe du Nord,

● un mouvement syndical déterminé à bloquer tout changement à son statut privilégié. Par ses actions de grèves et procédures ju-diciaires, il a retardé de six mois le transfert de propriété. Il serait intéressant d’ailleurs, d’entendre son avis sur la Cosco, firme d’Etat d’un régime socialiste, qui vient du bout du monde lui briser son « bol de riz d’acier », en un style capitaliste de choc.

Mis à l’encan par le gouvernement Caramanlis (la compagnie portuaire publique OLP), Le Pirée est emporté par Cosco Pacific, 5ème opérateur mondial, qui souffle la place au n°1 Hutchison (HK, du tycoon Li Ka-shing). Pour la concession de 35 ans, Cosco paiera 1,1MM², incluant 7 fois la valorisation boursière et 620M² en travaux sur les terminaux 2 et 3 (fonctionnels en 2014 et 2015). De 4,3MM² au total, le deal  prévoit aussi le versement à l’OLP de 21%, puis 25% des profits -forme créative d’actionnariat. Enfin, dans la création d’infrastructures, Athènes aura sa part, construisant le centre logistique de Thriassio Pedio et la liaison ferrée Le Pirée-Thessalonique, 2eme port national (ouverture en janvier 2009).

Pour la Chine, reprendre Le Pirée est un choix stratégique -et pour la Grèce aussi ! Car Athènes a donné son propre port aux Chinois, mais Thessalonique à Hutchison : dénotant un  souci de ne pas « mettre ses oeufs dans le même panier ». Cosco et Hutchison, opérateurs asiatiques, se font une concurrence effrénée à travers le monde, l’«élève» chinois ayant rattrapé le « maître » Hongkongais en peu d’années. Ils ont tous deux les fonds pour s’implanter dans les ports des cinq continents, et leur offrir le « plus » de la globalisation : l’intégration sous une architecture technologique et commerciale unique, permettant une économie de temps énorme en manutention, entretien et formalités. Cosco posséderait 29% d’Anvers, 49% de Singapour. Par cette alliance, Athènes vient d’obtenir bien plus que le droit de renouer avec les profits : une position maîtresse dans le dispositif global de demain, où une dizaine de réseaux se partageront le trafic. Dans ce métier, Cosco est jeune, mais de ce fait justement, condamné à réussir, à moins de perdre sa crédibilité.

 

 

 

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