Joint-venture : La chute de la maison Huang

CORRUPTION 贪污

Le stéthoscope, la craie, sous la loupe

Le socialisme chinois poursuit son interminable marche contre la corruption. Cadres politiques et fonctionnaires sont désormais assez réglementés. A présent, au tour d’autres métiers! Dans leurs hôpitaux, les médecins les plus courtisés (spécialistes, chirurgiens) complètent leurs honoraires par la «petite enveloppe», obligatoire pour consulter et surtout opérer en coupant des mois de liste d’attente. Or, le Juge et le Procureur Suprêmes viennent (21/11) de statuer: cette pratique est de la corruption. Même faute, en cas d’acceptation de commissions (ou de faveurs, vacances, carte de clubs) des laboratoires, en échange d’une prescription systématique de leurs remèdes : dans les deux cas, les hommes en blanc risquent la prison. Professeurs et maîtres aussi, seront corrompus s’ils prennent l’argent -ou tout avantage en nature – des parents (pour laisser passer leur enfant en classe supérieure) ou de firmes (contre le choix de leurs manuels ou uniformes). Mais tout cela est-il praticable? Le médecin moyen gagne souvent 2000¥ (230²) ! Ce chirurgien pékinois dénonce le tarif ridicule de l’appendicectomie, 3¥. Les professeurs sont connus pour « brûler la chandelle par les deux bouts » – se tuer à la tâche pour un salaire indécent, sans  même être assimilés fonctionnaires… Sans doute, cette réforme morale devra être suivie de celle des salaires !

 

La chute de la maison Huang

La mise sous écrou le 19/11 de Huang Guangyu, l’homme le plus riche de Chine, est dans l’ordre des choses. En novembre 2008, l’appareil sent le besoin de désigner à des millions d’actionnaires un responsable de leur ruine.

En 1986, dit sa légende, Guangyu, Cantonais de 17 ans montait à Pékin avec son frère Junqin, 3000 yuans en poche et créait son 1er magasin « Gome » d’électroménager et électronique. 22 ans après, son empire de 1200 magasins, en bourse, valait 6MM$, et sa fortune privée 2,7MM$. Huang Guangyi avait réussi grâce à une recette simple et géniale: être l’homme juste, au bon moment. Les industries naissantes avaient besoin d’un réseau national de distribution, indépendant de l’étranger. Après avoir créé quelques dizaines de succursales en Chine, en reprenant la méthodologie occidentale d’approvisionnement et de comptabilité, Huang, beau parleur, s’était fait admettre au club très fermé des décideurs politiques et d’affaires de la côte, obtenant l’accès illimité aux prêts bancaires et à la bourse. Issu de l’ère Jiang Zemin, le jeune homme trop confiant en ses appuis, n’avait pas prévu les implications du nouveau règne de Hu Jintao, à partir de  2003 : soucieux de «société harmonieuse», Hu voulait réprimer les écarts des nouveaux seigneurs, barons rouges et chevaliers d’industrie.

Premier souci en 2006 : accusé d’avoir reçu un prêt non réglementaire de 128M² par la Banque de Chine, Huang peut après quelques mois à faire classer l’affaire. En 2007, par pure imprudence, il se lance dans une affaire plus grave, par… esprit de famille: il aide son frère à faire «frire» en bourse de Shanghai le titre de Jintai, son groupe pharmaceutique du Shandong: il passera de 3,16¥ la part en février à 26,58¥ en août (moyennant potsdevin au MofCom, dit-on à la CSRC), avant de s’effondrer en septembre. Là encore, ses relations lui permettent de faire traîner les choses, et il aurait pu s’en sortir si 12 mois plus tard, l’économie mondiale ne s’était effondrée : là, plus de compromis possible. Plus que jamais, Pékin veut éliminer les Etats dans l’Etat des fortunes, dont les frasques le déstabilisent.

Maintenant, la question est de savoir si l’on peut faire plonger Huang, sans tuer Gome, en grand besoin de crédit pour refinan-cer sa dette, et sur la liste noire des banquiers. Symptomatiquement, en catastrophe, Gome, le 27/11, tente de se distancier de lui, nommant à sa place Chen Xiao (son directeur commercial) comme PDG par interim. Tandis que dès la veille, Junqin  rejoignait son frère derrière les barreaux.

 Après les fracassantes condamnations de Yang Bin (2003), Chen Liangyu (2007) ou Zhou Zhengyi (2008) On voudrait espérer que cette affaire marque la fin du capitalisme «cow-boy» des années ’90, aux relations incestueuses avec les apparatchiks. Mais… Wait and see !

 

 

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