Editorial : Chine – Europe, le clash!

La semaine passée, les relations sino-européennes ont connu un tournant, introduisant entre les deux bords un gel plus vu depuis des années. Même si la vie politique de ce régime s’accompagne d’indiscutables effets théâtraux – ou si les autres pays voient leur statut souvent muter d’«amis» à «en disgrâce». Mais cette crise frappe, car de tous les alliés de la Chine, l’Union Européenne est la plus stable, construisant avec elle toujours plus de liens juridiques, scientifiques, financiers à travers les décennies.

Le 26/11, « jour J-4 », la Chine décréta le report unilatéral du Sommet euro-chinois qui devait réunir les 27 leaders des Etats-membres à Lyon le 1/12 : Wen Jiabao et ses 150 patrons d’affaires se décommandaient, gelant toutes les commandes en cours—y-compris 150 A-320 et A330 (Airbus démentait que cette intention d’achat soit compromise). La raison de l’orage était dite: la Chine n’avait « pas le choix », suite aux rencontres annoncées entre des leaders de l’Union dont Nicolas Sarkozy, son président en exercice, avec le Dalaï-Lama.

Sur les causes du clash, il faut d’abord relever un problème de méconnaissance de la Chine par Paris, sous l’angle psychologique et des techniques de rapport. La Chine peut supporter un refus net à ses exigences, mais non des louvoiements. Sur la question du Tibet et des Droits de l’homme, Sarkozy avait commencé par menacer de boycotter les JO, puis s’y était rendu. Puis il avait délégué « sa » rencontre du Dalaï-Lama à son épouse C. Bruni, puis à son ministre des affaires étrangères B. Kouchner, avant d’oser annoncer qu’il le rencontrerait directement. Tout en tentant de désamorcer cette bombe, en la parant du titre plus innocent, d’« échange de vue avec des Prix Nobel dont Lech Walesa »… Pour la Chine, tous ces mouvements maladroits étaient autant de double langage.

Pour autant, ce report a éveillé en Europe une furieuse polémique, flot de critiques contre l’atteinte  à la souveraineté des nations et la tentative de pression.

A froid, cependant, elle semble intempestive : ce camouflet chinois sanctionne un « délit » à venir, et prétend punir tous les Etats-membres, pour l’action d’un petit nombre. Ce qui ne peut que créer une unanimité contre la Chine, peu propice aux compromis futurs.

Au même instant, les leaders chinois, avouant que la récession frappe « plus fort que prévu », tentent de prévenir la montée dans le monde d’un sentiment protectionniste, dont elle sera la 1ère victime : sous cet angle, l’annulation du Sommet est maladroite. Selon Valérie Niquet, directrice de l’IFRI, « Malgré la crise (…), la hiérarchie idéologique l’emporte sur celle d’une grande puissance responsable»: dans la décision, la vieille garde du Parti a pesé plus que la relève des jeunes formés en relations internationales et en économie.

Or, ce jour même (26/11), la Banque centrale lançait une autre initiative aux effets au moins aussi forts à travers le monde, en édictant sa plus lourde baisse des taux d’intérêts en 11 ans, de plus de 1%, pour un taux à un an de 5,58%. Ce signal très bienvenu fit remonter les places boursières (européennes, mais aussi le HK Stock Exchange, qui monte de 9,7% dans la semaine). La simultanéité des deux actions, l’une négative, l’autre bénéfique ne peut être due au hasard : on reste sur l’impression que la Chine a voulu contrebalancer la première, par la seconde !

 

 

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