La Chine souffre d’une source d’émission de gaz à effet de serre (GES) millénaire, qu’elle découvre à peine: les feux souterrains houillers, atteignant jusqu’à 1500°C, causant jusqu’à 2 à 3% des gaz à effet de serre de la planète. Leur origine peut être naturelle ou accidentelle. Avec 50% des émissions globales et le plus grand nombre de sites, la Chine remporte -si l’on peut dire- la médaille d’or de cette combustion indésirable : résultat d’un effort d’extraction sans précédent depuis 30 ans, qui lui ont fait trois fois décupler sa production de charbon à 2,3MMt/an, ouvrant des dizaines de milliers de mines sans grande technologie ni précautions. Le seul site de Shuixi Gou, au Xinjiang, émet 423.000t de CO²/an. Sur base nationale, le charbon perdu est estimé à 20Mt/an : ce seul chiffre a incité les pouvoirs publics, engageant des milliers d’hommes, à tenter de maîtriser 62 sinistres, surtout au nord du pays. Ils criaient victoire en septembre 2007, croyant avoir vaincu l’incendie de la veine de Rujigou (Ningxia), moyennant 53M$. Mais après vérification, il fallut déchanter : le foyer s’était rallumé.
Pour autant, il n’y a pas de raison de baisser les bras, estime l’experte indo-américaine A. Prakash. Obnubilée par sa course «au charbon», l’humanité ne s’est jamais penchée sur la faisabilité d’éteindre ces sinistres, action qui coûtait, et ne rapportait rien. Aujourd’hui avec le protocole de Kyoto, il en va tout différemment. La firme Huayu (Xinjiang) s’est mise en tête d’éteindre Shuixi Gou. En cas de succès, elle peut espérer, en vente de crédits carbones, 4,2M$ /an durant 7 ans (à 10$ la tonne de CO² épargnée). Huayu s’est adjoint les services de géophysiciens allemands. Les experts de l’ONU débattent encore pour octroyer ou non au projet le label « crédit carbone » -de toute manière conditionné au succès. Si c’est ‘oui‘, Huayu devra mettre 4 à 5M$ dans l’aplanissement de la surface pour installer les engins, puis forer 50 à 60 puits et refroidir à l’eau courante tout le massif rocheux durant des mois. Suite à quoi les puits seront comblés d’une combinaison d’eau, sable, ciment et autres produits chimiques, puis l’espace sera chapé d’argile et planté d’arbres, «preuve par neuf» de l’extinction des feux.
Huayu n’est pas la seule à attendre le verdict des experts du protocole de Kyoto. Plusieurs autres équipes et projets préparent leurs sites, leurs outillages et leurs banquiers, à travers la Chine et dans le monde : Shuixi Gou fera un précédent !
NB : parallèlement, la Chine poursuit son programme de fermeture forcée des petites mines sans licence, causant pollution et morts d’hommes. 6000 mines doivent être immobilisées d’ici 2010. Les fermetures autoritaires sont la raison probable de la baisse des accidents depuis janvier (-13,5%), mais les responsables ne se leurrent pas : les conditions de sécurité demeurent précaires.
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