CRISE – 危机
Grippe d’automne pour la croissance
« Les années d’or ont pris une fin soudaine et dramatique, des temps bien plus durs nous attendent », déclare Steven Green, l’économiste chef à la banque Standard Chartered. On ne saurait mieux dire : à 8,2% en octobre, la croissance industrielle a reculé de plus de moitié par rapport aux 17,8% atteints en mars, et des dizaines de PME ferment chaque jour. Elles étaient 67000 au 1er semestre, sacrifiées par l’incapacité des banques à leur faire crédit. Un signe fiable de recul, est l’indice Baltic Dry, mesurant l’activité du trafic maritime vraquier sur 40 routes mondiales, dont la Chine est 1er usager. De mai à début novembre, le Baltic Dry a chuté de plus du décuple, de 11.793 à 891. Autre élément qui ne trompe pas : achevée le 6/11, la foire de Canton a eu 9% de visiteurs de moins qu’en 2007 (174.562) et le volume des contrats a reculé de 17,5% (31,5MM$). Européens comme américains, les acheteurs ont exigé plus de ristournes, imposant le maintien des prix de l’an passé sans répercuter les hausses de coût de 10 à 15%, d’où marges diaphanes, ou ventes à perte. 59,2% des contrats ont requis des délais de livraison plus courts. Pour 2009, ils sont une majorité, les vendeurs s’attendant à pire. Pour compléter le tableau des dégâts en Chine, Shougang, l’aciérie de Pékin dit à qui veut l’entendre que plan d’Etat ou pas, la sidérurgie chinoise produira 20% en moins l’an prochain (en octobre, toutes les aciéries ont été dans le rouge, avec leurs entrepôts débordant d’invendus). Même tendance chez PSA à Wuhan, qui débauche 1000 intérimaires, et BP qui se désengage de son projet de ferme éolienne de 148,5Mw en Mongolie, en JV avec Goldwind, le n°1…
INVESTISSEMENTS – 投资
Firmes : qui investit encore ?
En attendant la manne du grand plan, les firmes en Chine se calfeutrent dans leurs murs, jetant des frimas sur le paysage des affaires. A quelques exceptions près !
Le cours de son titre décimé, comme ses rivaux Anhui Conch et Holcim, Lafarge semblait hésiter à poursuivre ses projets d’expansion en Chine. L’annonce des grands travaux d’Etat change tout : d’ici 2010, le n°1 mondial du ciment va gonfler sa capacité d’1/3, à 34Mt, grâce à quatre unités nouvelles, au Guizhou, au Sichuan, et ailleurs. Komatsu le fabriquant de bulldozers (17% du marché chinois) caracole devant Caterpillar (10%), Hitachi et Terex, n°3 mondial des petits engins de voirie. Avec le plan nucléaire qui s’emballe (cf édito), Dongfang Electric prend le mors aux dents. En ferroviaire, on note le sourire de China Railways (-I, et -II), suivi de celui des étrangers Kawasaki, Alstom, Bombardier et Siemens. Airbus et surtout Boeing engrangent au Salon de Zhuhai 10MM$ de commandes pour 65 avions, dont 20 A320 pour le groupe de Toulouse… L’électricien Huadian brandit son vieux projet de centrale thermique intégrée à Caofeidian, futur port de Pékin. A 7,3MM$, elle sera la plus propre de Chine, voire la plus puissante, aux quatre turbines de 1000MW « super critiques » entraînant une unité de désalinisation de l’eau de mer, un lavage des fumées pour en précipiter le dioxyde de soufre, et le recyclage des cendres en matériaux de construction.
En agro-alimentaire, un cadre réglementaire plus strict va accélérer la concentration des élevages : Yurun (Jiangsu), l’éleveur porcin anticipe le mouvement, et annonce 516M$ de crédits pour absorber la concurrence. Yurun veut sextupler sa capacité d’abattage à 2,4Mt/an, 6% du marché (de 55Mt en 2015).
En électronique, le sauvetage par Datang Telecom de SMIC, producteur de puces à façon, est en route. Maître de la plupart des brevets du TD-SCDMA (la filière nationale de téléphone sans fil), Datang verse 172M$ à son fournisseur, en échange de 16,6% de ses parts, devenant ainsi son principal actionnaire. Il n’est pas évident qu’il le fasse de bon coeur, ni que l’affaire soit en or, mais la filière nationale de 3G est en jeu, et avec elle, des dizaines de MM$ de royalties à épargner, si TD-SCDMA parvient à convaincre son propre marché : « la Chine 3G vaut bien une messe »…
Enfin, en matière bancaire, la nippone Softbank prépare un fonds de 293M$ à Shanghai, en liaison avec la mairie, pour prêter en capital à risque aux fortunes privées. Pour sa part, la Banque de Chine se porte candidate (pas la seule!) pour le rachat au Royaume-Uni d’HBOS, son homologue en difficulté. Ce qui la rendrait maître d’un beau réseau d’agences et des dizaines de milliers de comptes privés Outre Manche. Lors d’une réunion des conglomérats d’Etat, cependant, le directeur de la SASAC (State-Owned Assets Supervision and Administration Commission) tempère de telles ardeurs: « gardez vos fonds. Le temps n’est pas mûr. Bientôt, les bonnes affaires ne manqueront pas »!
Sommaire N° 36