Soudan : le prix du danger
Le 18/10, neuf ouvriers et ingénieurs de la compagnie nationale pétrolière chinoise – CNPC sur un gisement soudanais étaient enlevés (VdlC 34) dans l’Etat du Kordofan Sud. On s’attendait à une suite bon enfant, à l’africaine, à une libération un mois plus tard après rançon. Le scénario a été autre. Le repérage des fuyards par un avion militaire, (27 /10) s’est soldé par la liquidation immédiate des otages : trois exécutés, trois blessés libérés, trois disparus. Pour la Chine, le dernier doute est levé. Loin d’être motivée par l’appât du gain, l’attaque visait délibérément des intérêts chinois, par un groupuscule terroriste (peut-être le JEM – Justice and equality movement), ayant déclaré la Chine ennemi, dans cette guerre civile dont l’enjeu est l’or noir. GNPOC, le consortium mené par CNPC (incluant Inde, Malaisie, et Soudan) extrait 300.000 barils/j, 60% de la production nationale : la Chine se sait en ligne de mire.
L’attaque intervient lors d’une offensive de charme de Pékin, pour convaincre les juges de l’ICC (International Criminal Court) d’atténuer leurs charges contre le Président Omar el Bechir -qui risque un mandat d’arrêt international, sur 10 dossiers de génocide et crimes contre l’humanité. Pékin voulait convaincre l’Ouest de sa capacité de désamorcer le conflit, en maniant la douceur, plutôt que le bâton judiciaire. Ce dernier incident, suivi du meurtre dans la région (30/10) de trois Soudanais voire deux Yéménites (disparus), ne fera rien pour relâcher la tension : ce qui était peut-être un but du kidnapping !
Malgré sa colère, la Chine ne déviera pas d’un iota son action dans la région. Au Niger, elle perce un gisement à Ganaram en Agadem: 5MM$ dont 1MM$ à la raffinerie (20000b/j) -elle vient d’en poser la 1ère pierre. Est aussi prévu un oléoduc de 2000km pour exporter le produit. Ici aussi, des rebelles (Touareg) avertissent la Chine contre son entrée en jeu—faute de leur consentir leur part dans cette manne. A N’Djamena, au Tchad voisin, 1ère pierre d’une raffinerie d’abord de 20.000b/j, puis le triple.
Dans ce centre de l’Afrique, on voit la Chine coincée dans un dilemme. Régler le problème serait améliorer son image, mais le faire trop vite, serait inviter la concurrence mondiale à venir partager le pétrole local, son seul succès réel en Afrique. Succès dont le secret est lié… à une prise de risque !
Crise : la Chine sur tous les fronts
Signe des temps, la procession quotidienne d’ouvriers au poste-frontière de Lo Wu (Shenzhen), contre les patrons hongkongais en fuite avec la caisse! Des firmes aux milliers d’emplois disparaissent dans le sud, le textile Chunyu à Wujiang (Jiangsu), les montres Peace Mark (Canton) Les slogans évoluent : de l’insouciant (ou vantard) « la crise connaît pas !» de septembre, au plus réaliste « nous avons les moyens d’atterrir en douceur » -selon Zhou Xiaochuan, gouverneur de la Banque centrale.
A mesure qu’arrivent les nouvelles, on voit qu’aucun milieu n’est épargné. Les fortunes, dont les 40 premières perdent 57% depuis janvier (à 52MM$). Les paysans voient chuter de 50% (soja), voire 20 à 30% (blé) le cours de leurs produits, liés aux marchés mondiaux. Les banques avouent leurs frasques : 3,8MM$ pour la Banque de Chine (aux USA), -27% en bourse pour China Merchants en septembre, -7% à l’ICBC. Bizarrement, les étrangères, de septembre 2007 à septembre 2008 auraient vu leurs profits fuser de 112%: mieux gérées? Une meilleure image auprès du public? On peut en tout cas imaginer aujourd’hui, les affaires d’une Citibank moins bonnes. Le métal souffre, tel le fondeur Chalco qui perd 92% de ses profits au 3ème trimestre (à 183M¥). Tout comme China Life, le 1er assureur, qui perd 70% des siens en opérations de change et baisse de régime… L’immobilier n’a pas vu son sort s’améliorer suite aux dernières mesures de soutien : à Canton, les prix du neuf ont chuté, de 21% depuis juillet.
Face à la crise, l’Etat multiplie les initiatives. A Shanghai, Shenzhen apparaissent des fonds municipaux pour payer régler les salaires. Dongguan garantit les fournisseurs des usines textiles ou de meubles en mal de crédit. Le 30/10, troisième coupe des taux d’intérêt (crédit moins cher) en 6 semaines, de 6,93% à 6,66%. Pour dépanner la bourse, la CIRC (China Insurance Regulatory Commission) adjure les assurances de reprendre leurs achats de titres, «modérément». Avec l’aval de l’OMC, les quotas textiles qui avaient été négociés avec l’Union Européenne et les USA sont abolis. Plus grave pour l’avenir, la rue boucle son portefeuille et ne se fait plus d’illusion. Elle ne se calfeutre, en prévision d’une crise devant durer « jusqu’à 2010 », dit la rumeur !
Dernière minute : 1er non chinois, «business leader»
La plus haute distinction industrielle en Chine, le CBLA est pour la 1ère fois décernée à un étranger: au Président de Schneider Electric Chine, Guy Dufraisse, «Business leader -Chine» et «meilleur entrepreneur Chine» pour 2008. Au nom de la «ténacité», thème de l’année. En 2007, la Chine devenait le 2d marché du groupe, sur 102 pays. Le jury était composé de cinq entités chinoises et étrangères, de presse (CBN) et d’universités (CEIBS). Au valeureux lauréat, Le Vent de la Chine adresse ses plus vives félicitations.
Sommaire N° 35