Business africain—le salaire de la peur
CNPC, Sinopec, Minmetals et bien d’autres firmes chinoises investissent fort en Afrique.
Mais la Chine parvient de moins en moins à passer au dessus des violences et soubresauts sociaux locaux, tablant sur un toujours moins probable statut d’exception : toujours plus, ses ressortissants sont kidnappés :
[1] Le 18/09 au large de la Somalie, 8 pirates font main basse sur le «Great creation», de Sinotrans, basé à Hong Kong : avec sa charge de 17.000t de sel marin de Tunisie à destination de Pipavav (Inde) et 23 marins chinois, le minéralier est détourné depuis maintenant un mois. Pratique bien chinoise, Sinotrans n’a rien dit : ses employés ont appris l’affaire par la presse occidentale, suite à l’appel d’un marin à sa famille sur son portable, autorisé par les pirates.
NB : Malgré l’intervention de flottes de guerre diverse (US, russe, française…), la piraterie somalienne a presque doublé de janvier à septembre le nombre de ses captures, inscrivant à son actif 63 arraisonnements, le tiers du chiffre mondial. Le cas le plus insolite concerne un navire iranien transportant une poudre radioactive, que l’on croit être une arme secrète destinée originellement à Israël : ayant manipulé la marchandise, une fois à leur port d’attache, 16 pirates sont morts ensuite dans des souffrances atroces. Discrètement mais chichement, l’armateur iranien avait offert 200.000$ de rançon. Finalement, c’est l’US Navy qui a emporté la mise, payant cash 7M$ pour un droit de visite du navire.
[2] Au Kordofan-Sud (Darfour, Soudan), 9 techniciens chinois sont enlevés le 19/10 par des bédouins revendiquant leur part du pétrole d’un consortium de la CNPC (Chine), l’ONGC (Inde), Petronas (Malaisie) et la locale Sudapet. Les rebelles visent de plus en plus les intérêts chinois dans la région : la Chine est le plus gros investisseur dans cet or noir, et le premier utilisateur des 300.000 barils par jour. Sans conviction, l’armée ratisse la région…
Taiwan se rebiffe, Macao fait le dos rond
A Taiwan, l’autorité morale du Président Ma Ying-jeou vient souffrir (21/10), ainsi que sa ligne de rapprochement avec la Chine. En visite «privée», Zhang Mingqing, n°2 de l’ARATS (l’organe chinois du dialogue avec l’île) s’est fait molester. Plus qu’un coup de fièvre, c’était un coup monté: en tête de 200 manifestants, Wang Dingyu, édile DPP (d’opposition séparatiste) piétina sa voiture! Il faut le dire, c’était une situation de «wrong man, wrong place». Zhang est célèbre à Taiwan pour ses diatribes anti-indépendantistes, et Tainan, ville natale de Chen Shui-bian l’ex-Président DPP, est un des fiefs rebelles. Physiquement choqué, le cadre écourta son séjour, retournant à Pékin le lendemain. Hasard ? Quelques heures avant l’incident, Ma faisait cette insolite promesse, «durant son mandat, il n’y aurait pas de guerre entre les 2 rives du détroit»… Mais l’affaire révèle son imprudence : avant de se lancer dans son plan de réconciliation, il aurait dû sonder l’opinion. A présent, les francs-tireurs du DPP viennent de torpiller l’action, causant un mal irréparable. Sentant sa propre vulnérabilité dans l’affaire, Pékin a réagi avec doigté, déclarant bien vite que pour la visite prochaine de Chen Yunlin, son négociateur, rien n’était changé. Et pourtant si ! Le DPP prépare pour Chen Yulin une manif de 0,5M de protestataires. Et en attendant, 9 cadres touristiques chinois, attendus à Taiwan, viennent d’annuler leur voyage…
A Macao, l’autre tentative du régime se présente mieux. Chef de l’exécutif à un an du départ, Edmund Ho lance sur ordre de Pékin (22/10) un projet de loi de restriction des libertés, qui a de bonnes chances de passer. Il faut dire que la chancellerie chinoise a eu le temps d’apprendre… de ses erreurs ! A Hong Kong en 2002, elle avait tenté d’imposer un «article 23», menaçant de lourdes peines les voix critiques -la prison à vie pour ceux professant la «sécession» par voie de presse ou d’internet. L’affaire avait causé la mobilisation générale : 0,5M étaient descendus dans la rue, autant 12 mois plus tard : le projet avait été enterré. A Macao, Ho fait le dos rond, précisant que seule l’incitation à la violence est visée, pour une peine max de 30 ans. Macao il est vrai, avec sa tradition lusitanienne de laisser-vivre latin, a généralement la main moins lourde que l’ex-colonie de sa gracieuse Majesté.
Hu Jia – le prix qui divise
« La RPC exprime son indignation à l’attribution du prix Sakharov au criminel Hu Jia, en dépit de ses multiples représentations à l’Europe de n’en rien faire»: telle fut la réponse du Ministère des affaires étrangères au Parlement européen, en pleine nuit du 23 /10, quelques heures après l’annonce. La Chine socialiste exprimait sa déception de voir honorer celui qu’elle détient en prison, alors que 15 jours plus tôt, le comité Nobel avait finalement renoncé à le faire, optant pour le finlandais Ahtisaari (cf VdlC n°32). Avec le juriste invalide Gao Zhisheng, Hu avait été pressenti par jury d’Oslo. Hu a été arrêté après avoir publié ses échanges avec Gao. Gao était lui-même en prison pour avoir dénoncé la stérilisation forcée de 7000 femmes dans le Shandong. Jeune activiste protestant, Hu Jia s’est aussi battu pour la liberté religieuse, et pour des mouvements de lutte contre le Sida.
Loin de voir en lui un héros, la Chine a condamné Hu Jia à trois ans et demi pour sédition. Un chef d’inculpation, dit la rumeur, serait un don de 180.000$ par le National Endowment for Democracy, du Département d’Etat qui soutient des mouvements anti communistes dans le monde. La date de publication du prix était problématique, à la veille du sommet de l’ASEM, alors que l’Union Européenne demandait au gouvernement chinois de coopérer davantage. Comme toujours en ce cas de figure, Pékin comprend mal qu’on lui tienne deux langages, pour le fustiger, et faire appel à son partenariat ! A Pékin le soir de l’octroi, des leaders comme Angela Merkel, la chancelière allemande et José Barroso, le Président de la Commission durent « applaudir » le prix, face à la presse. Mais dans leur entourage, certains grinçaient des dents…
Sommaire N° 34