Argent : China Life, l’assureur paysan

Wahaha prendrait bien un petit verre… de Sanlu

Quel avenir pour Sanlu, le n°1 chinois du lait maternisé à la dérive ?

Fermé après avoir vendu du lait empoisonné et contaminé 90.000 nourrissons, il agonise sous ses dettes présentes et à venir. Aussi, si sept groupes candidats à la reprise des 13 usines et 600 bureaux de ventes se déclarent, nul ne bouge, tant que l’Etat n’aura précisé sa ligne d’action -pour l’heure, il barre les plaintes judiciaires, et fait retirer les boites de poudre et packs d’UHT vieux de plus d’1 mois.  Parmi les prétendants : Sanyuan (Pékin, 119M² de chiffre), Wondersun (Heilongjiang, 239M²), Feihe (laiterie US), New Hope (Sichuan), et Wahaha désireux de  s’épargner les coûts d’import de 150.000t de lait/an. Cependant, vu le coût social à attendre pour cette choquante faillite, les experts misent plutôt sur deux autres solutions : la réouverture sous régie (sous mandat d’un autre groupe), le rachat groupé par plusieurs firmes. Le tout, faut-il le préciser, sous une nouvelle marque!

NB : à l’étranger, potentiellement, un gagnant et un perdant. Gagnant, Danone, chassé du marché par Wahaha, y prépare son retour, riche d’une image sans tâche (contrairement aux autres). Perdant, Fonterra, l’actionnaire néo zélandais à 41% de Sanlu, va certainement revendre.

BHP-Rio: la Chine, ça eût payé – mais ça ne paie plus !

A 24h d’intervalle, BHP-Billiton et Rio Tinto, plus grands minéraliers de la planète, annoncent la fin de leur âge d’or en Chine —et un temps de pause pour un secteur hors d’haleine, assommé par son propre succès. BHP, le fournisseur des médailles aux JO, ferme son bureau pékinois (14/10) et interrompt ses explorations en Chine, où il prospectait depuis 15 ans. A ce geste, bon nombre d’explications raisonnables : BHP n’a pas découvert les gisements qu’il aurait espéré et les derniers règlements miniers de l’an passé permettent à Pékin de restreindre l’investissement étranger dans le sous-sol chinois. BHP n’avoue pas cette autre motivation possible, le fait que la Chine (oublieuse du don par BHP des médailles des JO) cherche à bloquer auprès de la Commission de Bruxelles sa tentative de rachat de Rio Tinto. BHP « oublie » aussi que comme Rio, il vient de voir son titre en bourse dégringoler de 50% en 4 mois, ce qui force l’un et l’autre à réduire leur train de vie. Par la voix de son PDG Tom Albanese, Rio lui, n’en fait pas mystère, avouant des résultats trimestriels décevants, partiellement dus au recul des commandes des fonderies chinoises. Conséquence : Rio, aujourd’hui, ne « vaut plus » les 3,4 parts BHP contre 1 Rio de l’offre initiale de rachat par BHP. Mais comme pour le pétrole, la chute des matières premières n’est que momentanée, vu les besoins mondiaux incompressibles. La croissance des pays émergents ne peut que reprendre – on n’en restera pas là.  

China Life, l’assureur du paysan

L’Etat chinois met cette année la priorité sur l’assurance rurale, à l’aide de maisons comme China Life, le n°1 détenteur de 43% du marché, ayant engrangé de janvier à juillet, 22MM² de primes « vie » (+54%). En échange de ce marché captif, China Life a développé une police à bas prix combinant « santé » et « vie », pour un paysan dont le revenu annuel ne dépasse pas les 440². Le marché se limite d’abord à 9 provinces pilotes, terres encore vierges à ce marché tels Guangxi, Henan ou Qinghai. D’ici  décembre, il compte avoir vendu 3M de ces polices -dans le seul Shanxi, au 20/9, il en avait déjà écoulé 112.000. Comme revendeurs, China Life recrute les membres d’associations de village. Il leur assure en commissions le double du revenu moyen rural : un fort argument de fidélisation. Selon une étude du banquier HSBC, le jeune assureur (né en 2003) collecte déjà 30% de ses primes à la campagne. Souvent, ces contrats ruraux sont à perte – mais il anticipe sur l’augmentation du niveau de vie, la priorité politique nationale, et cette fidélisation de M d’agriculteurs à prix de « dumping » lui permet de pratiquer la «stra­tégie de la terre brûlée» envers la concurrence. Voici trois de ses offres de contrats, rencontrées par le VdlC:  à Dongbao (Shanxi), Dai Yongsheng paie 150¥/an, moyennant quoi son foyer toucherait 75.000¥ en cas de décès de chacun de ses cinq membres. ‚ En primes groupées, les trois hameaux de Xishantou paient 10.000¥ /an, à 10¥/personne : tout accidenté recevra 5000¥ directement, et ses frais hospitaliers seront remboursés jusqu’à 50M¥/an (pour le groupe). ƒ En cas de décès, pour 100¥ payés, China Life offre 8 fois plus.

Enfin, il n’y a pas que les Chinois qui fassent dans l’assurance rurale : depuis 2005, Groupama (n°1 européen de l’assurance rurale) est dans la place, à Chengdu notamment!

NB : En plus de cette assurance commerciale qui constitue à ce jour 90% du marché, l‘Etat tente de redresser la couverture mé-dicale rurale par d’autres moyens, telle la création d’une sécurité sociale pour tous, de portée modeste mais obligatoire, d’ici 2020.

Réforme rurale – une vraie liberté en route

Le 3ème Plenum du 17ème Comité Central (12/10) avait débouché sur une bizarre impasse : la réforme du droit foncier rural, qui en était le clou et le grand-oeuvre du Président Hu Jintao, brillait par son absence au communiqué final. Quoique cette réforme, (d’abondantes fuites l’avaient spécifié), porte la durée des baux publics de 30 à 70 ans et permette aux fermiers de (sous-)louer et d’hypothéquer, recréant sans le dire la propriété privée. Un lobby des cadres provinciaux (principaux bénéficiaires du système finissant) avait bloqué le vote, arguant du fait que cette avancée légale priverait les mairies des ressources pour le bien public… Un point d’achoppement était de limiter le pouvoir d’expropriation discrétionnaire des caciques ruraux. Un autre tenait en un bouleversement administratif, l’idée de ressusciter les collectifs ruraux (en fait, les clans, réalité culturelle millénaire) pour leur permettre de gérer la terre avec l’accord direct du niveau supérieur, privant le pouvoir local d’une partie de ses droits (droit d’exproprier, ET de redistribuer). Mais le 16/10, l’Etat lance le message, pour rassurer. Dans Caijing, Chen Xiwen, un des artisans de la réforme rurale, annonce la naissance d’une bourse de transfert des droits fonciers, basée sur «la loi, le libre arbitre et une compensation équitable des terrains repris». Présidée par Qin Shikui, la 1ère de ces places, destinées à louer et hypothéquer à l’encan ces terres, existe depuis le 13/10 à Chengdu : un élan de ferveur et d’espoir, dit la presse, traverse les foules paysannes, avides d’expérimenter cette nouvelle liberté, qui les met à l’abri de l’expropriation et leur permet même de  mettre volontairement en vente.

Analyse : On note au passage la délicatesse du mandat de M. Chen et Qin, interdits de toucher au statut collectif du sol (gravé dans la constitution), mais aussi au type de valorisation inscrite au plan d’occupation des sols, arable, commerciale, résidentielle ou industrielle, comme au droit d’usage contractuel du paysan : typiquement, une réglementation transitoire, faite pour réconcilier l’inconciliable, deux projets idéologiques opposés par l’histoire.

 

 

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
9 de Votes
Ecrire un commentaire