Sans tambours ni trompettes, la 3ème plénière du 17ème Comité Central s’ouvrait (9/10) sur des enjeux immenses. Elle doit étancher l’hémorragie de confiance, suite au scandale du lait, renflouer ou non (par influx monétaire massif) une économie mondiale mise à mal par la faillite américaine, tout en jalonnant les dernières années du second mandat du Président Hu Jintao ! La priorité apparente de ce conclave, peut-être le plus crucial de toutes les années « Hu », était le monde agricole: dès le 1/10 (fête nationale), Hu visitait Xiaogang (Anhui), berceau de la réforme de 1978, là où Deng Xiaoping avait laissé les paysans se repartager (pour 15/30 ans) les terres des communes populaires. Aujourd’hui, Hu semble vouloir aller bien plus loin, en reconnaissant aux foyers le droit à certaines transactions jusqu’alors interdites, telle la location ou l’hypothèque sur les champs—sans aller encore, sous réserve d’inventaire, jusqu’à la cessibilité.
Cette réforme devrait régler le cas des millions de lopins ou fermettes bâtis «au noir» : véritable bombe à retardement, des 10aines de millions de «petits propriétaires» dont l’Etat menaçait implicitement le patrimoine.
Concernant les terres cultivables, l’Etat veut avant tout protéger les paysans de la rapacité des cadres locaux, prompts à exproprier au nom de l’ « intérêt public », cause de 74.000 émeutes en 2004. L’autre enjeu est la constitution de grands domaines: chance d’un remembrement et d’une agriculture mécanisée tournée sur l’export ; chance aussi, dit le professeur Dang Guoying (CASS, l’Académie des sciences sociales), de financer l’exode vers la ville des fermiers en surnombre. Mais ici, on touche une réticence historique profonde : celle de voir le retour des seigneurs d’avant 1949, d’une inégalité entre ceux n’ayant que leur lopin, et les accapareurs au cash illimité.
De plus, disent nos sources, les villages s’entendent déjà, en secret, pour redistribuer (illégalement mais efficacement) les terres en cours de bail, selon l’évolution démographique des familles. En pratique, l’essentiel de cette réforme pourrait consister à avaliser ce genre d’accord, tout en bridant les appétits expropriateurs des cadres corrompus. Ce virage à 90° reprend donc l’objectif du plan de 1978 -enrichir le paysan – et en avoue l’échec. En rassurant le paysan sur sa propriété, Hu Jintao veut lui permettre d’investir à long terme, de s’organiser en coopératives, se mécaniser, tourner la page des pénuries agricoles endémiques comme celle des produits frelatés – celle du lait, aujourd’hui, née de la pénurie…
Enfin, le projet socio-économique transparaît : Hu veut renforcer la consommation dans les campagnes —c’est obligatoire, alors que l’ère de la croissance par l’export se termine. Enrichir les paysans et les arrimer à leurs terres—enrayer le hiatus de croissance entre campagne et ville. La paix sociale, et le maintien des taux de croissance des 20 dernières années en dépendent.
Sommaire N° 32