A Hong Kong, depuis 1997, toute élection est cruciale vu l’enjeu: le système électoral bancal légué par Londres se muera-t’il en une démocratie à l’Occidentale, ou s’alignera-t’il sur le centralisme administratif chinois? Après 11 ans sous le principe 一国两制 «1 pays, 2 systèmes», la coalition des partis autonomes-démocrates, majoritaire dans la rue mais minoritaire au parlement Legco, se montrait assez forte pour enrayer toute tentative pékinoise de «réforme» constitutionnelle locale, comme en 2005, pour étouffer la liberté d’ opinion. Le pouvoir dans l’île, étant tenu, pour le compte de Pékin, par la droite financière traditionnelle, dont le conservateur DAB (Democratic Alliance for Betterment). Pour ce scrutin d’automne pourtant (7/09), nul ne donnait cher de la peau de l’opposition : comme dans toute l’Asie, la crise des subprimes changeait la donne. Au Japon comme à Taiwan, les gens enterraient leurs nostalgies démocratiques pour soutenir les partis les plus crédibles dans la sauvegarde de l’emploi.
Or, après un vote plutôt boudé (45%), surprise: ensemble, Partis démocrate, civique et Frontière remportent 23 sièges sur 60 : 2 de moins qu’avant, mais 3 de plus que nécessaire pour sauver leur veto sur les réformes constitutionnelles. Sur les 30 sièges soumis au suffrage direct des 1,52M de votants, 19 leur reviennent. Prouesse d’autant plus remarquable que le clan pékinois, comme de coutume, roulait sur l’or pour sa campagne, y compris les 51 médailles d’or (et leurs titulaires) emmenés de Pékin à grand renfort de tamtam, tandis que Donald Tsang, chef de l’exécutif, payait une «tournée générale», sous la forme d’un rabais sur la note d’électricité des ménages. Clairement, le vent patriotico-olympique continental, n’a pas soufflé bien fort sur le Rocher.
Sur les raisons de cette résistance démocratique, la Hong Kong University décrypte qu’à 87%, les citoyens se sont inquiétés de l’accès à l’éducation et au logis, à 77%, de l’économie. Or l’île souffre d’une chute de croissance trimestrielle de 3 points (à +4,2%, d’avril à juin) et d’une fièvre inflationniste à 6,3% : les démocrates ont eu beau jeu d’épingler l’alignement «à l’aveugle» de Donald Tsang sur Pékin, et ses piques contre la liberté d’expression sans rien obtenir en retour, avec pour effet (selon eux) une sclérose accélérée des institutions. Autre évolution remarquable : la vieille garde démocrate symbolisée par Martin Lee, laisse place aux jeunes générations, avec de nouveaux tribuns tels Kam Nai-wai, 47 ans ou Leung Kwok-hung, dit «cheveux longs», expulsé des épreuves hippiques des JO pour y avoir manifesté contre la dictature de Pékin.
Au fond : les Hongkongais, plus éduqués qu’ailleurs,conscients que leur fort niveau de vie résulte de l’usage de leurs libertés, se montrent une fois de plus résolus à défendre leur système, face à un Pékin perçu comme déterminé à le briser, s’il en avait l’occasion.
En dernier ressort, cette victoire inattendue, est aussi une leçon à l’Asie : la morosité… n’est pas une fatalité !
Sommaire N° 30