Racheter le premier presseur de fruits de Chine : ce défi lancé par Coca-Cola (VdlC n°29), agite les milieux d’affaires chinois et étrangers, qui tous se demandent si l’Etat laissera passer cette reprise de Huiyuan par Atlantic (filiale du géant d’Atlanta) pour 2,4MM$.
La presse chinoise spécialisée prédit le feu vert, arguant qu’il n’y a ni sécurité nationale en jeu, ni position dominante. Dans ce marché fragmenté, le groupe contrôlerait 37% des nectars mais seulement 20% du marché, tous jus confondus. Huiyuan est d’autre part une firme privée, contrairement à Xugong, que la Chine avait refusé à Carlyle en 2005. En acceptant ce deal, Pékin donnera un fort signe à sa bourse exsangue (-56% depuis janvier), en permettant la naissance de valeurs mondiales sur son sol. Enfin, le moindre avantage de ce feu vert, ne serait pas la relance de l’investissement européen direct : freiné par les barrières et les incertitudes chinoises, cet IDE ne compte plus que pour 5% du flux actuel. Ce signe positif donnerait enfin des idées aux autres presseurs Uni-President China (21%), Tingyi, North Andre (Yantai) et Haisheng. L’opinion cocardière est à 82% hostile, dit un sondage internet. Mais ici, la Chambre de commerce de l’Union Européenne réplique, accusant des lobbies de se protéger derrière ce paravent pour défendre les monopoles protectionnistes. J. Wuttke, son Président, estime à 20MM² /an les pertes de marché des firmes européennes en Chine, surtout dans le secteur des fusions-acquisitions. La remarque prend tout son sens, quand on apprend que les autres presseurs de jus méditent une contre-attaque auprès du ministère du Commerce, exigeant en cas d’accord public, qu’une partie des «bijoux» du groupe chinois soient détachés du lot auparavant, et vendus à l’encan.
On note aussi l’accord sur cette reprise, par le PDG de Huiyuan, Zhu Xinli qui la déclare « conforme aux règles du marché », tout en précisant que « les grandes marques devraient être affranchies des frontières, comme de l’espèce humaine ». On le comprend : l’enjeu, pour lui, est un gain en cash de près d’1MM$.
Sibyllin, le ministère annonce qu’il traitera la demande de Coca-Cola/Huiyuan « selon les principes de l’économie de marché, contre le monopole, mais pour une activité commerciale normale» (sic). Il y aura donc enquête anti-monopole, selon les termes de la loi juste entrée en vigueur. Ce dossier prend donc valeur d’un challenge à la Chine, sur sa capacité de jouer franc-jeu -alors qu’elle-même tente d’acquérir des actifs partout dans le monde, à commencer par l’Australie, dans l’énergie et les minerais.
NB : accusée par l’Union Européenne de protectionnisme, Pékin lui retourne la politesse, déplorant les 12 plaintes antidumping déposées à l’OMC (organisation mondiale du commerce) en 12 mois et les 40 plaintes du monde entier. Comme quoi la tentation de protection est partout – pas seulement au Céleste Empire.
Sommaire N° 30