Inde—Chine: regards en chiens de faïence
Du 4 au 6 septembre à Vienne, l’Inde obtint grâce aux USA un fameux succès à l’AIEA (Agence Int’le de l’Energie Atomique), en entrant au groupe des 45 pays fournisseurs nucléaires (NSG) : elle mettait fin à 34 années de paria, sous embargo mondial de livraisons atomiques suite à sa course à la bombe et à son refus d’adhérer au pacte de non-prolifération. Fin politique, conscient de l’immense demande de l’Inde en énergie nucléaire et du marché d’avenir pour son pays, George Bush s’était fait le courtier de cette réintégration via l’artifice d’une exemption d’adhésion au pacte remplacée par une simple déclaration formelle. Si cette nouvelle a sa place dans Le VdlC, c’est que les négociateurs indiens décidément ultrasensibles, accusent Pékin d’avoir failli faire tout capoter en semblant appuyer les opposants à l’entrée de leur pays malgré la promesse formelle de soutien faite par le Président Hu Jintao. Pékin dément. Mais l’incident montre la méfiance mutuelle. Une fraction des négociateurs pékinois a pu être tentée de bloquer Delhi: après tout, sa bombe, en 1998, était justifiée par la «menace chinoise». Ces lourds nuages ont pesé sur les 3 jours de visite à Delhi (7-9 /09) de Yang Jiechi, ministre des Affaires étrangères, invité par son homologue Mukherjee. Les pays ont pourtant de grands projets, tel le doublement des échanges à 60MM$ d’ici 2010, ou le règlement des contentieux frontaliers. L’Inde réclame à la Chine 38.000km² d’Himalaya. Pékin prétend obtenir de Delhi les 90.000km² de l’Arunachal Pradesh (nord-est). C’était la 12ème séance de travail au niveau ministériel : Yang est reparti, espérant trouver une solution, mais décrivant le processus comme «complexe et ardu» : on ne peut mieux dire.
Tibet : « bergers, faites-vous mineurs »
Les émeutes du 14/03 à Lhassa, ont laissé un Tibet déchiré, où les échanges entre communautés sont rares. Tension exacerbée par la saison touristique perdue et par la hausse du coût de la vie (+4,9% en août à travers le pays). Or le 5/09, la Région autonome annonce un programme d’investissement, 2,1MM² sur cinq ans et 22 projets. Quatre sont dédiés à la construction et à ses matériaux. Trois autres, à la transformation agroalimentaire et à la pharmacopée. Cinq autres, à autant de zones industrielles, et à divers nouveaux tronçons de la ligne ferroviaire Pékin-Lhassa, ouverte il y a 2 ans. Le gros de la troupe, 3/4 des crédits vont à 10 projets miniers, afin de mettre en perce une partie des gisements, pour près de 100 minerais enfouis au toit du monde -cuivre et chrome, surtout. Pas par hasard, au même moment, Chinalco, le géant de l’aluminium ouvre à Lhassa, Chinalco Tibet Mining, au capital de 25M², dédié à tous les métiers de la mine, de l’exploration à la vente des lingots.
NB : A un mois de négociations cruciales avec le Dalai, le plan émet deux messages : la Chine est là pour y rester, et aussi pour développer. Elle le fait pour une économie nationale en manque de matières 1ères, mais aussi pour la région qui ne tire que 7,5% de ses revenus de l’industrie (cela va changer !), et d’une population qui verra surgir 15.600 emplois. Le problème insoluble, étant que les Tibétains sont volontiers nomades, peu sinophones, et peu confiants en la « mère patrie », au risque de voir, une fois de plus, ces emplois leur échapper— tout comme leurs richesses !
Alerte au lait de bébé : avec Sanlu, point de salut !
La série noire des produits alimentaires frelatés made in China se rappelle à notre mauvais souvenir -depuis 4 ans, elle n’a jamais cessé de sévir. En 2004, c’était un lait en poudre maternisé qui avait tué au moins 13 poupons (et sans doute bien plus). En 2006, des sirops et dentifrices au diéthylène, produit qui est plus à sa place dans l’antigel. 2007 voyait défiler les champignons plombés et la pâtée pour animaux à la mélamine, et début 2008, les raviolis aux pesticides exportés au Japon. Et revoici à présent, le lait en poudre maternisé qui tue. Entre Anhui, Gansu et 10 autres provinces, on recense 59 cas, 13 cette semaine, dont un mortel – de bébés ayant développé des calculs rénaux. Le ministère accuse la mélamine, base plastique qui contrefait une protéine alimentaire, mais avec cet effet nocif qui éradiqua l’an passé des milliers de chiens et chats aux USA. Détail insolite : Sanlu (Hebei), la firme responsable n’est pas comme en 2004, une PME fantaisiste mais une maison respectée, spécialiste du bon marché. Elle est d’ailleurs depuis 2005, filiale à 43% du groupe néo-zélandais Fronterra, n°1 mondial (33% du marché laitier). Sanlu s’est empressé de rappeler, autant que faire se peut, les 700t de poudre en circulation, et crie à la contrefaçon. Mais est-ce bien le cas? Sanlu fut déjà «pincée » en 2005 à Tianjin, pour des 100aines de caisses de yoghourt aux étiquettes frauduleuses. D’autre part, l’AQSIQ (Administration pour le contrôle de la qualité, de l’inspection et de la quarantaine) a reçu une dénonciation affichée sur son site web, contre Wei Dehua, directeur d’un de ses centres de collectes dans le Jiangsu, accusé avec les fermiers d’avoir rallongé le lait frais avec de l’eau, des poudres végétales, des édulcorants et la mélamine, afin de gagner plus qu’ils n’avaient produit… L’AQSIQ mène l’enquête et a promis un châtiment exemplaire aux responsables. Détail piquant : Sanlu était fournisseur officiel du programme spatial chinois. Il semble désormais improbable que son lait demeure au menu des cosmonautes, lors du 3ème vol habité, le 25/09 !
Sommaire N° 30