Après la visite du N°1 indien Manmohan Singh, de part et d’autre, les commentaires furent dithyrambiques. Le Président Hu Jintao la décrivit « courte et productive ». Singh la déclara « constructive, très satisfaisante ». Qin Gang, le porte-parole, y vit un « événement qui fera date dans l’histoire des relations bilatérales ». C’est donc manifestement un tournant. Pourtant, analysant les résultats, ceux-ci se décantent à peu de chose -en apparence…
L’Inde souhaite bénéficier du savoir-faire chinois en énergie nucléaire : Pékin l’encourage, mais sans engagement. Sur le tracé des frontières, les partenaires disent que « 60% des litiges sont réglés », mais avouent avoir glissé sur le 1er contentieux, la récente exigence chinoise sur le monastère de Tawang, dans l’Arunachal. Ils se disent aussi d’accord pour « se consulter » sur la chute aux enfers du Pakistan, et combattre « fondamentalisme et terrorisme »… Bonne intention, mais qui n’engage guère !
Il faut bien le reconnaître, après dix ans de normalisation puis la visite en 2003 de A. Vajpayee, prédécesseur de Singh, entre Inde et Chine, les choses piétinent, faute de confiance. Des promesses pour soumissionner ensemble des droits pétroliers à travers le monde, sont restées lettre morte. En tourisme, les espoirs de décollage n’ont débouché que sur un bilan piteux, 60.000 Chinois en Inde, 400.000 dans l’autre sens : une misère, pour 40% du peuplement mondial.
Et pourtant, ces pays neufs ont tant à échanger, en informatique (où la Chine brille sur le hardware et l’Inde sur le logiciel), en automobile (Tata), aciérie (Arcelor-Mittal), textile, médecine… Ils ont entre eux la base pour créer les biens et services sophistiqués les moins chers, et bouleverser le commerce planétaire.
Seul hante le spectre de la guerre de 1978 dans les Himalaya, gagnée par la Chine, obstacle coriace à tout réchauffement. Aussi ce déplacement était-il avant tout réconciliatoire, destiné à fixer les bases d’une coopération d’avenir, à commencer par le commerce. Les échanges qui faisaient 1,8MM$ en 1999 et à peu près 37MM$ en 2007 (dont les 2/3 en faveur de la Chine), doivent passer à 60MM$ sous trois ans, renforcé par des missions chinoises d’achat dès 2008.
Singh, avec ses hôtes, a signé dix accords de planification économique, de construction de logements, de chemin de fer, de culture, voire de fourniture de fruits et légumes indiens en Chine. Liens renoués du passé antique, et irrévocables. Ce qui faisait dire à un universitaire chinois : « tout a changé… désormais, ils peuvent encore nous voir comme rivaux—mais plus comme ennemis » !
Sommaire N° 3