Corée du Nord : la famine au pas de la porte
Pour Tony Banbury, directeur du Programme alimentaire mondial (PAM) pour l’Asie, la Corée du Nord connaît sa pire crise nutritionnelle depuis la fin des ’90, où des M d’habitants étaient morts de faim. Au Pays du matin calme, un humain sur 2 est malnutri, 40% des enfants sont rachitiques. Le système donne des signes d’effondrement: le PAM qui devait cette année sustenter 1,5M d’âmes, avec 1Mt de céréales (0,5Mt par les USA, 0,4Mt par Séoul, 0,1Mt par les ONG), voit soudain ses clients passer à 5M, et doit trouver 1,5Mt avant décembre, dont 15% dans l’immédiat. Mettant la Chine devant ses responsabilités, il la prie officiellement de lui vendre 50.000t (10% des besoins). Cette crise s’explique par une conjonction de malchances : deux années de crues, plus encore de manque de pétrole (pour les tracteurs) et d’engrais : d’où une récolte qui chute d’un tiers ; la baisse des imports de Chine, réduits de moitié en 2006 et 2007 ; et une grosse colère avec la Corée du Sud, son nourrisseur n°2… Au passage, la coupe sombre des livraisons chinoises révèle un souci secret de Pékin sur son propre stock, que les experts évaluaient 12 mois plus tôt entre 100 et 200Mt, mais que la pénurie de février a du écorner. En tout cas, la quasi-famine nord-coréenne a ses conséquences : prétextant que les USA ne l’ont pas sorti de leur liste noire des Etats-voyous, Pyongyang, décidément aisément irritable, prétend soudain relancer son programme nucléaire. Comme pour lui insuffler un peu d’espoir, Pékin choisit le moment pour lui octroyer la clause de « destination touristique », promesse future d’une poignée de devises… Une réponse qui a de bonne chance d’être ressentie comme « too little, too late » !
Monolithe du sport : premières fissures
Déjouant la censure, deux échos dans la presse permettent à l’opinion de se démarquer de l’image officielle des Jeux Olympiques, voire du sport en Chine. [1] MSN (chinois) demande le 3/09 si les 43MM$ d’invests des Jeux (record historique, fête somptuaire inouïe) étaient justifiés: sur 70.000 répondants, 36,4% dirent ‘oui’, et 50,3% ‘non’. Plus de la moitié pensent donc qu’une telle fortune eût été mieux investie dans la lutte contre la pauvreté ou pour la santé. Autre manière de contester la politique populiste-cocardière officielle : les Chinois ne sont pas dupes. [2] Signé Hu Shuli, un édito de la revue Caijing, d’une vivacité inattendue, réclame le démantèlement du «système sportif étatique», à savoir la Commission nationale des sports, cocon maoïste de fabrique d’athlètes. Le titre ne laisse nul doute sur le projet: «ouvrir les menottes dorées du sport chinois». Rappelant que chacune des 51 médailles d’or vient de coûter 6M², l’article évalue à 80M² le budget annuel de la CNS, monopole des compétitions qui dépossède les clubs de leurs moyens d’existence. Il évoque le vieux scandale du «11» de football, ayant reçu lors des JO deux cartons rouges pour jeu violent contre la Belgique. Remède préconisé par Caijing : ôter la gestion du sport aux apparatchiks pour la confier «au marché», lequel arrive aujourd’hui même, tout droit des USA (VdlC n°28). Illusion dangereuse, car le sport bien que commercial, est aussi une pratique de masse et une éthique. Mais nos confrères connaissent les limites à ne pas dépasser : priver l’Etat du monopole du sport, n’est tolérable qu’au nom du profit, seule valeur licite, surtout pas au nom de la démocratie. Caijing maintient jusqu’au bout l’ambiguïté, évoquant comme but d’un sport futur, «passer d’un pays riche en médailles, à un pays riche en athlètes», proposition qui sent le soufre, de par ses implications sociales !
Xinjiang: Intifada chez les Ouïghours
Depuis fin juillet 2008, le Xinjiang connaît un nouveau vent de révolte armée. Quatre attaques ont eu lieu contre armée et police, toutes perpétrées par des Ouighours, avec des moyens rudimentaires -arme blanche, bombes bricolées. 39 personnes sont décédées, dont 16 policiers en une seule frappe, près de Kashgar. L’alerte maximale n’a pas empêché la mort de 2 policiers le 27/08—cinq autres ont été blessés. Ce qui frappe, est que la plupart des attaques visèrent des policiers ouighours -comme si les insurgés voulaient désormais annoncer à leurs coreligionnaires la vengeance qu’ils encouraient en servant l’administration chinoise. On note aussi la jeunesse des agresseurs, voire leur sexe : telle l’adolescente de 15 ans arrêtée après l’attaque du 10/08.
Analyse : entre résistance ouïghoure et soutiens intégristes émigrés au Kazakhstan et Kirghizstan, 7 années de répression accrue ne semblent pas avoir su couper les liens. On ignore si ces coups -non revendiqués- sont l’oeuvre d’un même groupe, mais leur accumulation lors des JO n’est pas fortuite. Une de ses raisons est celle qui fit exploser Lhassa le 14/03, la Birmanie en septembre 2007 et la Thaïlande à présent : l’explosion du coût des vivres et du fuel. Une autre raison, plus spécifique au Tibet et au Xinjiang est l’échec de 30 ans de politique d’assimilation, d’acculturation, et menant à l’obligation de travailler dans la langue de l’autre.
Sommaire N° 29