Pour son 1er semestre, l’économie chinoise a maintenu un rythme ébouriffant de 10,40% contre 11,9% l’an dernier, quoiqu’en Europe et en Amérique, la crise des subprimes conduise l’activité au bord de la récession – selon Temasek, le bras financier de Singapour, elle devrait se poursuivre deux ans au bas mot.
Le « secret » de cette jouvence est double : [1] le séisme du Sichuan, avec ses contrats de reconstruction sur 5 à 10 ans (effort national), et [2] les JO aux 30MM² d’infrastructures entre sept villes. Entre la lutte contre l’inflation et la défense de ses exportations, la Chine avait fait le choix pour le second – elle s’apprête d’ailleurs à réviser l’objectif d’inflation, de 4% à «5 à 7%».
La conjoncture est variable : au passif, un quadruplement du parc auto invendu en juin, une chute du trafic aérien, un effritement du yuan face au dollar, une érosion forte de la croissance fiscale (+13,8%) en juillet). Mais à l’actif, en juillet, la hausse de l’export de 26,9%, de l’import à 33,7%, des ventes au détail de +15,4% (record depuis 1999). Tandis que l’indice des prix à la consommation entame sa redescente (+6,3% contre 8,8% en février).
Tout ceci n’empêche Pékin de concocter un plan de relance. Il pourrait paraître fantaisiste, vu le fort dynamisme des activités, et les années passées à tenter de juguler la surchauffe. Mais il a ses raisons. Les grandes entreprises d’Etat prospèrent, accélérant concentrations et fusions, mais 67.000 PME, surtout au sud et à Shanghai, ferment boutique. Par ailleurs, selon les pronostics d’économistes étrangers, au dessous de 9,5% de croissance, la Chine ne peut plus alimenter ses plans sociaux, vitaux pour éviter la fracture sociale ou géoéconomique du pays (villes ¹ province, côte ¹ intérieur, etc). Et notamment financer son programme de «société harmonieuse», de retraites, d’éducation et de santé de 800 M de ruraux.
Le problème est chez les PME : dès que les banques voient bridé leur robinet du prêt, elles pénalisent les petits emprunteurs. Au 1er trimestre, leur allocation baissa de 10% à 30MM². Quoique à la base de la moitié du PIB, elles n’empochaient que 15% du crédit. C’est surtout à leur intention que l’Etat vient de rallonger le quota de crédit de 5% pour les grandes banques et de 10% pour les petites -mais les banques octroient leurs prêts à qui elles l’entendent.
Ce plan de relance serait doté de 20 à 40MM² (1,5% du PIB). 15MM² iraient en grâce d’impôt, 22MM² en dépenses publiques. Entre autres, elles concerneraient l’immobilier (l’accès au logement, l’isolation et rentabilité énergétique de la construction), la mise à niveau de la scolarité des 7,66M d’enfants migrants. Voire le tourisme, où Pékin prévoit, en un plan hyper ambitieux, de tripler le volume d’emplois, à 100M. Démontrant la détermination du régime d’aller de l’avant : chaque année, 20M d’emplois nouveaux sont nécessaires, pour amortir le choc de l’exode rural !
Enfin, ce plan parle de lui-même : moins qu’un demi-tour, il s’agit d’un simple réglage, sur une économie qui reste au beau-fixe, le seul phare de croissance au monde désormais.
Vents de réformes estivales et sociales
En Chine, la trêve estivale est un moment commode pour prendre des mesures délicates : cet été ne faillit pas à la tradition.
Ainsi, les patrons de mines, d’usines chimiques, textiles et de défense se réveillent sous l’épée de Damoclès d’une licence «de santé» de l’Administration de sécurité au travail (SAWS) qui prétend faire fermer toute usine dont la pollution compromet la santé de leurs personnels. La nouvelle licence prétend faire respecter des plafonds d’émission par substance et métier, calqués sur les normes de l’OMS, l’organisation mondiale de la santé. Au total, près de 200M d’ouvriers respirent des substances dangereuses, poussières minérales ou métalliques (sur 758M d’ouvriers en usines), dont 676.562 souffraient en 2006, de maladies professionnelles, telle la pneumoconiose. Cela dit, les usines à risques disposent d’un sursis, temps pour la SAWS d’établir les règles d’application pour chaque secteur. Pour l’Etat, le but est d’économiser sur les 30MM²/an de pertes (décès, soins) dues à ces fléaux. Reste à savoir si les provinces laisseront faire Pékin, au risque de perdre des dizaines de millions d’emplois.
Autre pas significatif de l’été, vers la libre convertibilité du Yuan : des chaînes de bureaux de change viennent d’être autorisées, redéployant l’échange des devises en dehors des banques. Travelex SMI (à Pékin), Zhangjiang ICE (Shanghai – ICE, britannique, est n°1 mondial) pourront vendre ou acheter jusqu’à 50.000$ /an (ou équivalent) de tout citoyen chinois, et 500$/jour de tout étranger -voire 1000$ par voyageur, en zone détaxée des aéroports. Le taux est imposé, la commission fixée à 50¥. D’autre part, un règlement du 6/08 abroge l’obligation à toute firme détenant des devises, de les revendre à une banque : de quoi re privatiser le marché des devises, et freiner la croissance vertigineuse des 1800MM$ de réserves publiques…
Enfin les Jeux Olympiques à peine bouclés, du 25 au 29/08, la session semestrielle du Bureau de l’ANP (Parlement) discute une riche palette de lois. L’une, en discussion depuis 2003, s’apprête à pénaliser de trois ans de prison (max) la diffusion indélicate des données confidentielles par les fonctionnaires. Une autre sur la corruption, doublera à dix ans la peine maximale aux détenteurs de fortunes inexplicables et gratifiera de sept ans ou plus, les proches d’apparatchiks convaincus de fraude.
Enfin, une ambitieuse loi du recyclage est au menu, applicable peut-être dès l’an prochain : les emballages doivent être standardisés et redessinés selon le principe des « 3R » : réduction, réutilisation, recyclage : les normes sont relevées, et l’Etat doit prévoir des fonds pour promouvoir l’éducation et la recherche et développement.
Sommaire N° 27