Joint-venture : CMA-CGM à toute vapeur

CMA-CGM à toute vapeur

«Invisible», du fait de son métier d’armateur, CMA-CGM n’en est pas moins un des principaux groupes français en Chine, avec 400 porte-conteneurs dont 100 en propriété -qui forment, en tonnage, la moitié de sa flotte. En 16 ans, le pays s’est imposé à CMA comme essentiel, lui offrant la moitié de son trafic, et l’ayant aidé à devenir 3ème armateur mondial sur le marché des «boites». Avec ses 30 services/semaine, il assure en Chine un départ toutes les six heures. Comme Shanghai, Shenzhen, Qingdao, Ningbo ou Xiamen, Tianjin est un pôle d’export traditionnel. A Tianjin en 2007, CMA-CGM traitait 0,4M d’EVP («boites» standard de 6,06m), sur les 7,1M assurés par ce port en pleine expansion, n°16 mondial, débouché naturel de Pékin et du golfe du Bohai. Soit pour l’armateur, plus de 10% du fret international du conteneur. Bonne affaire, car le marché domestique est réservé aux armateurs locaux, mais les meilleurs profits sont sur les lignes au long cours !

Tout ceci incite CMA-CGM à prendre 20% d’un terminal de ce port d’avenir, pour 80M², en partenariat avec Port de Tianjin (60%) et l’armateur Hongkongais GAIS (20%). Actif dès 2011, il consistera en un appontement de 1100m destiné à atteindre 2M d’EVP/an. Financé en BOT – Build – Operate – Transfer, il sera pour 50 ans propriété de ses bâtisseurs-gestionnaires, et aidera Tianjin à franchir la barre des 10M d’EVP annuels dans la prochaine décennie.

NB : CMA-CGM, qui en est à son 26ème investissement portuaire mondial, mise aussi sur le multimodal et le « Go West » : il a pris 8% des parts de China Rail Intermodal, réseau de 18 hubs ferroviaires de conteneurs pour un service «porte-à-porte» entre usines, supermarchés et ports vers le monde.

 

Pétrole, Iraq : retour case départ

Que l’Iraq de l’après Saddam, pour son 1er grand contrat étranger, vise le pétrole, ne surprendra personne: rien de ce qui arrive à ce pays depuis 50 ans, n’est étranger à l’or noir. Que le contrat d’abord estimé à 1,2MM$, aboutisse à 3MM$ est aussi dans l’ordre des choses, vu l’explosion de la demande.

Mais que le contrat revienne à la CNPC, firme chinoise, peut interpeller : le nouveau gouvernement irakien se faisait hier un point d’honneur à dénoncer les contrats passés sous le régime maudit, et les USA, puissance occupante, ne sont guère connus pour faire des cadeaux aux rivaux dans la course au pétrole. Il est vrai que la CNPC avait la préséance, ayant signé ce contrat dès 1997, sur le champ d’ AlAdhab à 180km de la capitale.

Idem, Bagdad peut avoir besoin, face au monde arabe et son opposition sunnite, de se démarquer des USA, en accordant à la Chine les 225M de barils de pétrole de réserve et les 90000 barils/j de débit (10% de la production nationale). Pour reprendre pied en Iraq, la CNPC a dû toutefois faire une concession grandiose : renoncer au partage de la production. Pour sa fourniture d’expertise, main d’oeuvre et équipement, elle sera payée en dollar, pas en or noir, et si elle veut de ce pétrole, ce sera au cours du jour. D’autre part, la Chine se montre volontariste, car l’avenir de l’Iraq apparaît tout sauf stable.

Mais après avoir importé l’an passé plus de la moitié de ses besoins (163Mt,+12,4%), elle craint moins l’instabilité que la panne sèche—et l’Iraq qui vient de tripler ses réserves estimées, à 350MM barils, vaut bien, sinon une messe, du moins qu’on prenne des risques !  

Le grignotage très chinois de Chinalco sur Rio Tinto

Même sept mois plus tard, l’achat surprise par Chinalco de 12% de Rio Tinto, 3ème firme minière anglo-australienne laisse toujours perplexe. Wayne Swan, ministre australien du Trésor vient d’avaliser l’investissement massif (14MM$), consentant à ce groupe d’Etat, 1er fondeur d’aluminium de Chine, de contrôler (avec l’américain Alcoa) 14,99% des parts de la branche de Rio cotée à Londres (RT Ltd), soit 11% du capital du groupe (RT PLC).

Cependant, l’Etat fédéral assortit son feu vert de deux conditions limitatives : toute autre prise de parts dans RT devra obtenir son aval préalable, et aucun cadre de Chinalco ne peut guigner un poste au Conseil de direction de Rio Tinto – PLC ou Rio Tinto – Ltd. Maigre fruit dans l’immédiat, pour un groupe qui vient de payer, en empruntant lourdement, l’équivalent de 80% de ses ventes de 2007…

Quel était l’objectif ? Nul n’y voit clair, vu l’absence de résultat convaincant. Cinq buts étaient plausibles, tels [1] Accéder aux actifs d’Alcan, puissant fondeur canadien juste racheté par Rio Tinto? [2] Réaliser une plus- value (Rio Tinto vient de rehausser ses profits de 55% ce semestre). [3] Sécuriser l’approvisionnement chinois en minerai dont le prix en 2008 a augmenté de 60%, mais Chinalco justement, n’est pas sidérurgiste. [4] Bloquer l’OPA sur Rio Tinto pour 150MM$ par BHP-Billiton, l’autre Australien, n°1 mondial, tentative qui inquiète toutes les aciéries du monde, et dont l’issue apparaîtra en 2009, suite aux enquêtes anti-monopoles de Canberra et de Bruxelles. En tout état de cause, en cas d’accord entre les groupes, Chinalco ne pourra rien faire. [5] Placer des billes chinoises sur des positions étrangères, « solides comme l’acier », pour servir de fonds de pension à une génération d’enfants uniques dépourvue d’une large couche de descendants.

Tous ces arguments étaient logiques, défendables. En achetant dans le plus grand secret, Chinalco a inquiété Canberra, qui a réagi en prenant ses précautions pour l’avenir. Pourtant, à ce qu’on dit, l’exécutif australien, lui non plus, n’aime pas trop l’alliance de ses deux Goliath minéraliers. Il exploite  l’action de Chinalco, afin de laisser à Rio Tinto la chance de se défendre. Opportuniste, RT se garde de dire «non», mais trouve la mariée pas assez belle -il réclame une dot plus fournie. Lui aussi donc, utilise Chinalco à ses fins. C’est ainsi, à la dure, que le groupe d’Etat chinois va devoir apprendre la transparence, mère de la confiance des partenaires : celle-ci constituant, en fin de comptes, la meilleure garantie de défense de ses intérêts bien compris !

 

 

 

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