Editorial : Pour les JO—une harmonie tendue

Deux incidents des derniers jours permettent d’observer les Jeux Olympiques sous un éclairage neuf.

A Kunming-Panjiawan (Yunnan), le 21/07 à l’aube, deux bus de la ligne 54 explosent : deux morts, 14 blessés -à 19 jours des Jeux Olympiques. Dans les heures qui suivent, curieusement, quoiqu’il s’agisse du 1er cas d’attentat prouvé, sur la longue liste d’autres cas allégués par les autorités, Pékin écarte l’hypothèse d’un acte terroriste… et offre 10.000², puis 30.000² de prime de délation.

Est-ce un hasard ? Huit jours avant, la province avait connu une émeute à Menglian. En conflit avec la compagnie exploitante, 500 planteurs  d’hévéas, aux mains avec la police, avaient vu deux des leurs tués. D’autres incidents avaient lieu à Shenzhen (deux morts), et à Kanmen (Zhejiang (10ainesde blessés). A chaque incident, Pékin envoie des enquêteurs, ordonne aux provinces de tenter de les régler dans l’« harmonie », parle d’émettre un « sondage » auprès de 80.000 cadres pour découvrir des fautes des leaders locaux. Mais sur le terrain, les incidents sont durement réprimés. Trois semaines après l’émeute de Wengan (Guizhou, 30.000 citadins ayant mis à sac la mairie), 217 suspects ont été arrêtés.

Vu sous cet angle, l’attentat de Kunming, quel qu’en soit l’auteur, permet au régime de renforcer la répression, donne de la réalité à la menace qu’il dénonce depuis des mois – mais évite le terme de « terrorisme ».

L’autre phénomène consiste en ce plan officiel jusqu’alors ultrasecret, paru fugacement sur internet, intitulé « Olympiades paisibles, action corrections spéciales ». Son but : neutraliser les cellules terroristes, les forces anti-chinoises et les fauteurs de trouble,  qu’il veut encourager à quitter la capitale, au nom des intérêts supérieurs de la nation. Agir vite, fort et sans parler. Les restaurants, maisons de bain, de thé et de karaoké de moins de 100m² ont fermé, comme les hôtels creusés dans les galeries souterraines, qui hébergeaient 300.000 migrants pauvres. Par ce coup de filet, au 30/07, Pékin avait fait une cure d’amaigrissement autoritaire et écarté des millions de résidents précaires. Peut-être, dit la rumeur- pour très longtemps, bien après les Jeux. Les 200.000 caméras des rues, devraient décupler en 2 ans—comme à Shenzhen, et probablement partout.

Ces Jeux, enfin, seront nationalistes, trend annoncé par la multiplication des drapeaux rouges sur les voitures. Quoique non conforme aux normes olympiques et à l’idéal de neutralité de la ville hôte, ce phénomène est  encouragé. Idem, les stades attendent une foule sélectionnée, enthousiaste et disciplinée, au service de l’Etat, par idéal, ou sur commande. 

A traits encore grossiers, une stratégie s’esquisse: utiliser les Jeux, la menace d’attentats pour restaurer l’autorité de l’Etat. L’ennemi est moins le terrorisme que le désordre qui s’emballe, le choc d’un repli économique planétaire annoncé à l’automne. Dans cette phase vulnérable, le Parti communiste chinois veut s’appuyer sur sa jeunesse fière de son pays, en colère contre l’Ouest : le temps de passer à gué la crise mondiale, et défendre, au passage, la « dictature du prolétariat »  et ses privilèges d’élite !

 

 

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