Petit Peuple : Pékin, 3ème dimension des JO – la peur de la face

Les Olympiades, côté cour, c’est le feu d’artifice des tours futuristes, de la Cité Interdite restaurée, des parcs pimpants surgis dans la nuit. Côté jardin, c’est la souffrance cachée du million de maçons migrants brisés à la tâche, ou des expropriés. Mais il existe encore une 3ème dimension qui touche tous les Pékins de la rue comme les apparatchiks : le trac, la peur de perdre la face. 

Dans l’obsession du terrorisme, Pékin s’est retranchée: trois « lignes de défense », des centaines de check-up armés jusqu’aux dents sur les routes. Elle vient aussi de bannir les banderoles dans les stades.

Le chien est banni des rues, et de la casserole. Dans les «hutong», les ruelles pékinoises, la fourrière rode en quête du toutou errant, ou trop grand, ou sans permis : pour survivre aux mois d’été, haletant sous sa toison rasée, le million d’amis du Pékinois reste cloîtré. Comme par compensation (en réalité, pour éviter la critique étrangère), les restaurants doivent rayer le chien de leur menu. Idem, les terrasses de Sanlitun seront bannies. Durant les festivités, l’aéroport sera fermé, forçant l’annulation de centaines de vols, pour empêcher l’avion suicide de s’écraser sur les 80 rois, présidents et CEO de ces Jeux Olympiques déjà surnommés le « Davos des muscles ».

Il n’y a pas que les ronds de cuirs à perdre les pédales. La délinquance aussi explose : voyant passer sous leur nez, des milliards d’euros d’investissements futiles, toujours plus de pauvres hères tentent d’en saisir un lambeau, tels au manège, les enfants se dressent sur leur cheval pour agripper la queue de Mickey.

Dans le Dongbei, le plus grand cercle clandestin de paris mutuels vient d’être brisé : en un an, 42 comparses ayant reçu par internet/Sms, 847M$ de mises, risquent 15 ans de prison. Idem à Chongqing, un réseau est démantelé, qui reproduisait tous les faux papiers: diplômes bidon, cartes d’identité, titres de propriétés imaginaires, licences de bar en bois.

Face à l’appétit de lucre sans précédent ni vergogne qu’il voit chez les puissants, l’homme de la rue sait qu’il ne peut compter que sur lui-même. Ce sentiment apparaît le mieux dans ses lectures – même pauvre, le Chinois est un redoutable dévoreur de pages.

Beijing Openbook, qui étudie les ventes de 1500 librairies sous toutes les latitudes chinoises, constate que les dix best sellers, hors-roman, suivent la même recette : tous offrent des antidotes aux poisons sociaux, par le renforcement de soi.

En seconde et quatrième position, un ouvrage en deux tomes affirme péremptoirement que l’automédication vaut mieux que le médecin. Le sixième professe «la sagesse de ne pas tomber malade», et le septième, au coeur du sujet, révèle « 50 moyens d’échapper au désastre ». Le neuvième vous dévoile « ces inconnus pour qui vous travaillez »…

Non-violents, témoignant du goût du chinois pour la paix, les 1er, 5èmeet 7ème enseignent à ne pas résister à la force du mal, mais à goûter la consolation des sages millénaires, des Analectes de Confucius, et … des Méditations de Marc Aurèle, l’empereur romain.

Enfin, comme on a vu, les peurs sans fondement, se réfèrent à l’obsession de ne pas perdre la face. Ce qui apparaît étrange à l’oeil étranger, est que tous, apparatchiks comme Pékin moyen, déforment ces angoisses, les interprètent comme une armée de traîtres et d’assassins en embuscade, mais qui n’existent que dans leurs têtes : « derrière chaque touffe d’herbe, derrière chaque frondaison d’arbre, ils voient briller une arme » (草木皆兵 cǎo mù jiē bīng).

 

 

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