A la loupe : Irrigation, prélude à une révolution tranquille ?

Cette année, la désertification et le réchauffement global se traduisent, pour le paysan chinois, par la perte de 15,8Mha d’emblavures (3Mt de plus qu’en 2007) et 28Mt de grain. 70% des champs sont irrigués, 70% de l’eau chinoise va aux champs. Or le Chinois ne dispose que de 2700m3  d’eau par an – 25% de la moyenne mondiale. Le nord surtout est assoiffé, ne détenant que 20%  des réserves : dur bilan, à l’heure où sonne le branle-bas de combat pour faire passer la récolte de 500 à 600Mt sous douze ans.

De plus, en fait d’irrigation, tout est à refaire. Sur 12MM² pressentis pour 402 réseaux depuis 2000, seul 1MM² a été versé. A ceci, des raisons complexes, tel le fouillis d’offices concurrents, la propriété floue de ces réseaux hérités de Mao (donc «à personne»), un prix de l’eau bas (0,065¥/m3 en moyenne, 38% des coûts de maintenance), ruinant toute chance de rentrer dans leurs frais.

De ce fait, la majorité des réseaux conçus dans les années 1950 à 1970 avec plus de ferveur que de technique, est périmée, et perd 50% de son eau sur le Fleuve Jaune,  80% dans le Gansu.

C’est alors que le Ministère de l’eau et celui des finances tentent de résoudre toutes ces contradictions via un projet pilote audacieux, révélé par la  revue Caijing. Cet été sur 1000km², dans un certain nombre de provinces et de réseaux, il a commencé par financer (par le niveau local et central) la réhabilitation des canaux, ensuite confiés à une  association locale des paysans, créée pour en assumer la propriété, la gestion et la maintenance – laquelle vote aussi un nouveau prix de l’eau, pour couvrir ses frais.

Le mot qui fâche, ici, est « hausse », voire « multiplication » du tarif. Mais il s’agit bien de cela : créer un électrochoc pour faire ressentir la ressource conne une valeur, l’épargner pour irriguer plus, ou vendre plus loin. Par cette technique, les experts espèrent doubler voire quadrupler la récolte, sur les sites du projet.

La pilule amère de la hausse du prix est compensée d’avance par la forte montée locale et globale du cours du grain cette année. En outre, le paysan prend confiance en ce système qui l’associe davantage : c’est en fait un nouveau droit de l’eau qui se dessine. Enfin, des subventions aux associations sont évoquées, pour maintenir les hausses dans les limites du supportable.

 Bien sûr, un tel plan anti-gaspi ne peut tout résoudre à lui seul : ni la question de la qualité souvent déplorable de l’eau (pollution), ni de celle des semences (trop gourmandes en eau). Ni l’incertitu-de de la hausse des engrais et du carburant (hydrocarbures).

Sans compter un problème non évoqué par Caijing : le petit ap-paratchik, hier maître de tout, acceptera-t-il la perte du contrôle de l’eau, source de sa richesse personnelle, au profit du paysan—la plèble ? Évidemment, cette réforme courageuse, n’est pas gagnée d’avance, et ne peut être qu’un premier pas !

 

 

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