A Tokayo (Sud Japon,7-9/07), les pays du groupe G8 se sont affrontés pour enrayer le réchauffement climatique. Comme attendu, ils ont adopté le plus petit dénominateur pour réduire leurs émissions de CO² d’«au moins 50%» d’ici 2050. Pour l’allemande A. Merkel, ex-ministre de l’environnement, c’est un succès, du seul fait de partager un objectif entre puissances —même le marché des droits d’émissions de CO² est établi, qui incitera les firmes à investir dans l’économie durable, en leur permettant de rester rentable. Pour des ONG telles Greenpeace ou WWF, par contre, c’est l’échec, vu la médiocrité du résultat face à l’urgence de l’échéance; sept ans pour maîtriser la racine de ce réchauffement (les GES) ou subir une montée de deux degrés, au prix d’immenses pertes en récoltes, en terres submergées etc. La Chine et quatre autres pays émergents présents au sommet (Inde, Mexique, Brésil, Afrique du Sud), pensent la même chose. Mené par Hu Jintao, ce Groupe des 5 (G5) refuse de valider cet accord «vide». Hu ressort sa panoplie de vieux mais forts arguments : la Chine a le droit de se développer, ses émissions par habitant restent plus basses que celles de l’Ouest, la pollution produite « pour l’Occident en Chine, est celle de l’Occident ». Mais le G5 précise sa pensée : «Sur le réchauffement climatique, nous ne prendrons aucun engagement, tant que l’Amérique ne sera pas montée à bord. Nous allons vivre deux années de rudes négociations »…
De ces négociations, la prochaine étape est déjà là : celle de la ronde de Doha, le 21/07 à Genève -P. Lamy, Secrétaire Gal de l’OMC vient de publier l’ultime ébauche d’un futur traité, dans lequel Pékin serait exempte (l’Ouest s’en plaint) de tout effort durant 14 ans. A Tokayo, les PVD ont dénoncé la hausse des prix alimentaires qui frappe les plus pauvres et rend odieux le gaspillage des riches, telle la conversion du maïs en éthanol. Mais comment Nord et Sud, plaide Lamy, peuvent-ils trouver un point d’entente sur l’environnement, sans s’être d’abord accordés sur les barrières qui protègent l’agriculture des pays de l’Occident.
Entre Nicolas Sarkozy et Hu aussi, succès ou échec, dur de se prononcer. Sarkozy a annoncé à Tokayo sa venue aux JO, créant ainsi les conditions de son tête à tête avec Hu, lequel venait de rétablir le tourisme chinois en France. Mais Sarkozy a aussi suggéré qu’il verrait le Dalai Lama en août (comme avant lui G.Brown, A.Merkel): Pékin l’a averti de n’en rien faire, le poussant ainsi dans ses retranchements…
Londres vit une péripétie éclairante. Ayant élu le Dalai Lama Docteur Honoris Causa, la LMU s’en repent publiquement des semaines plus tard : cette réaction pleutre alarme le monde académique, sur le prix à payer en liberté d’action, pour une trop forte dépendance économique envers la Chine, qui avait envoyé à la LMU 434 étudiants, et en rétorsion de l’honneur octroyé au Dalai, venait de lui retirer son agrément…
Entre le Président français qui accepte d’aller à Pékin comme d’autres à Canossa, et l’université anglaise qui se déjuge, on voit le trait commun: une Europe qui perd le pouvoir d’affirmer ses valeurs, une Chine qui force les autres à l’entendre (quoique sur des sujets de valeur contestable), portée par sa montée en puissance.
Sommaire N° 24