Editorial : Tempête autour d’une jeune morte

A part le sac de Lhassa, l’émeute de Wengan (Guizhou) est le pire incident social de l’année. Il commence par un fait divers, le 22/06 : une lycéenne de 15 ans se noie dans une rivière. Puis une série de rares maladresses des autorités aboutit à l’explosion. D’abord, l’enquête est bâclée : en moins de 24h, la police conclut à un suicide – par « protestation contre des parents ayant favorisé leur fils aîné » (sic). La famille elle, affirme que Li Shufen a été tuée, pour cacher un viol !

Or, l’un des trois suspects est fils d’apparatchik, intouchable. En huit jours, des dizaines de cadres font pression sur les Li pour qu’ils enterrent leur fille, moyennant 9000¥ de “compensation” payée par les suspects. Deux autopsies suivent, négatives mais douteuses. L’oncle (professeur) est pris à partie et blessé par des policiers, puis des gangsters. Ses étudiants sont aussi frappés: s’ensuit l’émeute de 30.000 gens en colère. De vieux griefs ressortent: licences minières de complaisance, expropriations frauduleuses… Bilan : 150 blessés, 165 bureaux mis à sac, 40 véhicules publics brûlés. Ordres locaux et contre-ordres centraux s’enchevêtrent : Guiyang clôt l’enquête; Pékin la rouvre, limoge deux commissaires. Le 3/07, la famille «effrayée», accepte 30.000¥, et les obsèques.

Cependant, cet incident confirme l’entrée en jeu d’un élément récemment vu à Xiamen, Chongqing, Shanghai. De tout le pays, des « netizens » sont montés à Wengan, citoyens free-lance qui ont informé la Chine. La censure est en échec.

Tout en sanctionnant le pouvoir local incompétent, Pékin déclare la «guerre» à l’instabilité. C’est une urgence, car, à 39 jours des Jeux, 3 affaires aussi graves viennent d’éclater : un attentat à la bombe (2/07, Xixiping, Hunan, 12 blessés), un chômeur kamikaze (Shanghai, 1/07, 5 morts, 4 blessés), une émeute à Qianjiang (Hubei) suite à la mort d’un lycéen de 13 ans.

Depuis le 1/07, se poursuivent les secondes palabres en deux mois avec les hommes du Dalai Lama. C’est l’échec; il était prévisible, tant la question de la souveraineté sur le toit du monde touche un point sensible. Les parties sont convenues de se revoir après les JO, et que « 50 ans de climat difficile ne se dissipent pas en un jour »!

N. Sarkozy ne s’est pas donné partie facile: ayant dit que sa présence aux JO dépendrait du succès de ce sommet, il s’entend répondre le 2/07, via sina.com, que 88% des Chinois lui suggèrent de rester chez lui. A présent, malgré l’échec du dialogue tibétain, il devrait n’avoir d’autre choix que de venir, au risque de se déjuger.

Il se trouve que par ailleurs, Sarkozy est vulnérable face à Pékin sur un autre dossier, en refusant le projet de Bruxelles de concessions agricoles aux PVD. Le Commissaire responsable, Peter Mandelson espère les mettre sur la table de la ronde de Doha, afin d’aboutir enfin, le 21 juillet à Genève à un accord commercial mondial. Sarkozy estime qu’ « on a déjà donné » – les pays riches sont déjà prêts à couper leurs subventions vertes de 70% et leurs droits de douanes de 50%. Dans ce combat incertain, Paris risque de se retrouver de plus en plus seule, et perçue à Pékin comme obstacle à ses ambitions d’exportations agroalimentaires.

Bilan : sauf un improbable miracle, le fossé franco-chinois s’approfondit, risquant de prendre des années à guérir, entre deux pays condamnés à des relations cyclothymiques, soit au beau fixe, soit à l’orage !

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