En 2007, un plan secret de Hu visait à multiplier les innovations démocratiques bénignes. Il s’agissait de sortir une « feuille de route » de réformes, à temps pour décembre 2008, 30ème anniversaire de la politique d’ouverture de Deng. Dès le XVIIème Congrès (nov. 2007), Wang Yang, secrétaire du Parti au Guangdong (homme lige de Hu Jintao) forgeait un slogan en ce sens: « la troisième vague de libéralisation de la pensée». Les catastrophes diverses du dernier semestre ont découragé, mais non enterré ces velléités: à présent, le Guangdong est appelé à jouer pendant «un à deux ans» le rôle de laboratoire de deux réformes fondamentales, l’une sociétale, l’autre de genre constitutionnel :
[1] Shenzhen abolit le Hukou, permis de résidence inéquitable qui fournit jusqu’à présent les villes en travailleurs à bas prix sans leur reconnaître des droits de citoyenneté. Il s’agit d’une carte à puce qui décline l’état-civil de son titulaire —santé, judiciaire, emploi, planning, adresse exacte, données de huit ministères… Au 1er août, elle couvrira 11 des 12M migrants de la ville. Avec elle, le migrant reçoit un permis de résidence permanent (10 ans renouvelable), le droit au logement à bas loyer, au passeport, au permis de conduire. Voire à l’école pour ses enfants, mais non gratuitement comme le Shenzhenois : le migrant paiera 2000¥/an. Cette discrimination mise à part, cette carte est un grand pas vers l’égalité des chances.
[2] L’autre réforme consiste en un saupoudrage d’actions modestes, longtemps envisagées au sein du PCC, mais jamais tentées. Les hauts cadres devraient être élus en interne, entre plusieurs candidats. Le parlement local devrait pouvoir les «juger et superviser ». On voit bien sûr la faiblesse de la démarche : les corrompus puissants pourront enrayer toute action qui les lèse. Et l’expérience manque d’un but tangible, hormis le slogan d’un «socialisme aux couleurs chinoises ».
De bonne source, les initiés révèlent qu’avec cette formule de « semi-démocratie», l’Etat a tenté de faire un pari à deux réponses gagnantes. En cas de succès, il crée un modèle national lui permettant de lâcher peu et de gagner du temps, tandis que l’oligarchie des grandes familles restera aux affaires. En cas d’échec, le modèle ne servira qu’à Shenzhen, comme « zone politique spéciale » avec Hong Kong, permettant de mieux arrimer cette dernière politiquement à la patrie…
Le défaut de ce plan est celui de tous les paris où l’on n’investit rien : on n’y gagne rien non plus. L’on verra rester vaines les attentes de la bourgeoisie pour partager le pouvoir. Tandis que toutes les causes nécessitant, pour avancer, la participation sociale (santé, environnement, défense du patrimoine…) poursuivront leur lente décadence.
Pour autant, ce plan garde un grand mérite. En 30 ans, c’est la première goutte d’eau sur la plante anémique de la réforme politique — le premier pas qui coûte !
Sommaire N° 23