Tourisme français : grève perlée !
Le souvenir de l’étape parisienne de la torche (07/04), empoisonne les relations franco-chinoises.
Depuis mai, les agences pékinoises annulent leurs voyages vers la France. L’action n’est pas présentée comme rétorsion mais comme expression de colère de la rue. Elle coûte: à l’ambassade, les demandes de visas ont chuté de 70%, à 300-400 par semaine en juin, signifiant autant de pertes pour l’Hexagone. Elle se limite à Pékin. Shanghai, Canton, Wuhan ne sont pas touchés.
Constatant qu’en dépit des assurances, la crise s’éternise, l’Ambassade donne des signes de nervosité: au Salon du tourisme à Pékin, aucun signal n’a été donné aux agences pour les encourager à reprendre les inscriptions. La France a beau être soutenue par Bruxelles, comme partie indivisible de l’espace-Schengen – tant que la Chine reste sur son silence, la France ne peut que pâtir – en silence. Pour réamorcer la pompe, H. Ladsous, l’ambassadeur, multiplie les gestes, y-compris une conférence de presse (23/06) réservée à nos confrères chinois. La rumeur que N. Sarkozy prépare sa valise pour Pékin le 8/08, et le tarif «saison creuse», rétabli par Air France en juillet-août (vol Paris-Pékin A-R à 4900¥).
Mais ces efforts pourraient rester vains, en raison de la reconstruction du Sichuan, et des 10MM²/an à dégager à cet effet. Normalement dotés de 3 sorties tous les 5ans, les fonctionnaires voient leurs voyages sacrifiés sur l’autel de l’austérité nationale. Ce qui semble dénoncer une pratique dont l’Etat n’est pas dupe: leurs missions cachent souvent un voyage d’agrément aux frais du socialisme, abus aujourd’hui imprésentable.
Délocalisations: le Sud de la Chine menacé
Dans les années ’80, le Guangdong (Canton) fut aussi pauvre qu’un autre, jusqu’à ce que le capital, les technologies et les PME de Hong Kong, associés au laisser-faire du patriarche, le propulse dans l’ère digitale et à la fonction de locomotive du pays.
A présent cependant, cette phase s’achève—bien plus tôt que prévu. Après avoir vidé Hong Kong de ses industries, il se voit à son tour miné par sa vie chère, avec ses 300MM² de PIB en 2007. Ce phénomène d’usure a été amplifié, cette année, par une série d’incidents tel le gel de janvier, la loi du travail (ses salaires minimum et primes de licenciement), la baisse du dollar, la hausse du fuel, les crues de juin, les coupures de courant, la fin des primes à l’export…
Désormais, sur la chaussure ou le jouet, fleuron de Canton, les marges (quand il en reste) se cantonnent frileusement sur la bande à un chiffre. Chez Kam Pin, firme de matériaux de construction (300 actifs), les salaires, en six mois, ont monté de 30% : en clair, c’est la fin. Sur les 70.000 usines Hongkongaises de la province, 20.000 ne finiront pas l’année, prédit D. Lau, Président de l’association des PME du Rocher. Foxconn (iPod, tel. portables) s’est déjà transplanté vers Hebei et Shanxi. Face à cela, les municipalités de la province tentent d’aider comme elles peuvent, pour retenir l’emploi qui file comme du sable.
Au 1er juillet, Shenzhen hausse le salaire minimum à 1000¥/mois (+17%) en ville, 900¥/mois en banlieue (+20%). Canton va suivre et même (perfidement) surenchérir. Dongguan offre aux bas salaires (moins de 600¥/mois) une prime unique de 1000¥ au titre de compensation à l’inflation. Mais ces expédients ne règleront rien : comme de coutume, fer de lance d’expérimentation sociale, Canton se trouve au pied du mur, contrainte d’inventer un nouveau modèle de développement « post-libéral », qui réconcilie haut niveau de vie, productivité, rentabilité et qualité d’environnement. Comme en Europe ou en Amérique !
Sommaire N° 22