Faire repasser ou non la torche olympique au Tibet (2de fois en deux mois) ?
Pour le régime, cette étape était incontournable, symbole de légitimité et d’arrimage du Toit du monde. Mais après les émeutes de mars et les remous occasionnés par la flamme ailleurs dans le monde, des précautions étaient de mise : après une apparition le 13 à Shangrila (cf VdlC n°20), elle se montrait le 21/06 à Lhassa.
La règle du jeu semble avoir été la même au Xinjiang, où cohabitent Han ou Hui venus refaire leur vie, et 8M de Ouighours musulmans. La torche passa (17-19/06) à Urumqi et Kashgar, sous préparatifs rigides : fenêtres fermées, interdiction autour du périmètre de la torche, sauf avec la 单位 danwei (unité de travail), fouilles des véhicules, fermeture des échoppes, regroupement des journalistes dans un hôtel, et (à Kashgar) cette invitation à 5000 Ouighours provinciaux, de retourner dans leurs vallées! Tout cela, pour prévenir toute tentative d’attentat. Ancienne, la tension s’est exacerbée à mesure que s’approchent les Jeux. Moins soutenus que les Tibétains à l’Ouest, les Ouighours ont en leur sein un petit nombre d’activistes et des appuis dans le monde islamique : assez pour imposer une surveillance active. Un site internet sinophone prônant l’entente Han/Ouighours a même été fermé, soupçonné de servir de relais avec des milieux intégristes hors frontières.
Pékin désigne (16/06) un Monsieur antiterrorisme aux Jeux : Yang Huanning, ex-vice-ministre de la sécurité publique, est un homme jeune (51 ans), aguerri à la lutte anti-clandestins au Tibet et au Xinjiang, ex-commandant des casques bleus chinois, parfois aussi chargé de la gestion de l’image de la Chine dans le monde. Sa nomination intervient alors que sort la énième rumeur d’un attentat possible sur les JO : cette fois, le 16/06, ce sont les épreuves hippiques à Hong Kong qui seraient visées—bruit démenti ensuite par le gouvernement de la RAS…
A Lhassa, comme à Kashgar et Urumqi, imams, lamas, cadres et étudiants doivent suivre des conférences pour raviver leur patriotisme et leur ferveur olympique nationale. On sent l’incompréhension mutuelle grandissante, malgré les efforts du pouvoir pour enrichir ses territoires excentrés : au Tibet, les trois quarts du budget viennent des caisses publiques… Le fond du problème, dans les deux régions, provient du fait que la prospérité retombe invariablement sur ceux qui parlent le chinois —les Han et Hui- tandis que les minorités moins éduquées, ne recueillent que les bribes.
Attendant ses secondes palabres avec Pékin, le Dalai Lama offre d’envoyer dans les régions tibétaines ses «agents de la paix » pour dissuader de protester, et promouvoir la légalité. L’heure est venue, pour la Chine, de remplacer une stratégie qui a échoué. Mais par laquelle – et le pouvoir y est-il prêt? Toute la question est là.
Sommaire N° 21