A la loupe : Les médias veulent prendre le large … en bourse

Faire des profits et par ceux-ci, s’affranchir de la férule publique: telle est la dernière étape de la lente dérégulation de la presse, entamée au tournant du siècle. Pékin avait alors ordonné aux 2000 journaux,  8000 magazines, milliers de chaînes de TV et radio de se séparer des mairies et de se concentrer.

Puis en novembre 2007, l’Etat s’était dit prêt à accueillir en   bourse de tels groupes. Cette démarche était testée depuis 1994 avec Oriental Pearl (Shanghai), suivi de Shanghai Xinhua Media en 2006.  Mais l’Etat ne tolérait que l’introduction des actifs non éditoriaux, tels l’imprimerie ou la pub mais pas la rédaction, au nom du monopole de l’information au Parti (depuis 1942, Mao, discours de Yan’an).

Mais après 10 ans, certains conglomérats ont muté en d’immenses machines performantes et diversifiées tel SMEG, propriété à 70% de la mairie de Shanghai, empire d’1,17 MM² et 5200 jobs, 11 chaînes TV, 90 réseaux câblés, un portail internet, 29 chaînes radio, 5 centres sportifs et 14 centres culturels. Or, à présent, de tels groupes savent que leur entrée partielle en bourse, sans la rédaction (à la fois leur cerveau et leur locomotive), n’est pas bonne. Pas plus que ne l’est leur dépendance envers l’Etat, pour leur autonomie et l’attractivité de leurs produits journalistiques. Et d’autre part, ils ont déjà assez de relations pour négocier leur émancipation, dans l’intérêt bien compris de tout le monde. Aussi la nouvelle formule consiste à rassembler un bouquet de journaux+TV+radio +service internet, en une filiale boursière à 100% privée, dont ils ne conservent qu’une minorité des parts. On crée ainsi de nouveaux géants riches et indépendants. Ce qui, à y regarder de près, signifie la fin  du monopole du Parti sur la presse.

Précurseur : Century Publishing, 1er éditeur shanghaïen, 1MM¥ d’actifs en 13 éditions, des journaux, un réseau de distribution, va entrer en bourse, avec l’aval de la mairie et de la GAPP, tutelle du livre (General Administration of Press and Publication) : il vise 400M$.

Parmi les autres 13 groupes en attente comptent China Business Network (journaux, TV, radio), et Toonmax TV, chaîne de dessins animés. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Jusqu’à quatre tutelles, aux intérêts contradictoires, sont impliquées et se disputent : les quatre dernières tentatives, de ce fait, ont été rejetées. Restent à régler les questions de la place de la censure, et des rênes que la maison-mère pourrait vouloir garder sur ces structures neuves.

Toute l’effervescence traduit une mutation. Face à une demande exponentielle en information d’un public toujours plus éduqué, le secteur s’amplifie et professionnalise tant, que l’Etat n’est plus capable d’en assumer le monopole, aux jours désormais comptés. Déjà annoncée, l’étape suivante parachève d’ailleurs l’abandon de la vulgate marxiste : l’accès de ce type d’investissement aux étrangers !

 

 

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