Petit Peuple : Pékin, Chengdu : fils et pères aux antipodes 

 [1] En décembre 2007, la conscription militaire des triplés Yang fut au coeur de la rumeur dans toutes les chaumières. Et pour cause: l’affaire avait été décidée pour eux, le jour de leur naissance !

Dix-huit ans plus tôt, l’accouchement s’annonçait mal : leur survie, comme celle de la mère, était plus qu’aléatoire! Heureusement, Hongqian le père était de la grande Muette, comme son père (pensionné): l’hôpital militaire 301, leur maison attitrée, était le meilleur de la capitale. Aussi tout alla à merveille. Quelques semaines de couveuse suffirent alors à rendre aux chétifs la force de remonter la pente.

Mais tout se paie! Dans cette famille d’officiers, on a son code d’honneur. Sur le clan pesait une dette plus lourde que d’argent : 3 vies sauvées, 3 vies à rendre! Aussi le 5/12, Yueqi, Yuelong, Yuegang marchèrent vers leur destin sans maugréer, avec enthousiasme même. Au jour d’aujourd’hui, entrer sous les drapeaux n’est pas donné à tout le monde. En plus de leur piston  et de leur « dette », les triplés se trouvaient répondre aux critères, ayant le bac, et la bonne taille -1,74m, 1,75m, et 1,76m.

Bonne fille, « notre nouvelle grande Muraille » n’a pas voulu séparer nos 3 bessons, et les a affectés ensemble en Mongolie Intérieure. Bientôt sans doute, ils auront droit à une même école d’officiers, marchant dans les traces de leurs aînés : 种瓜得瓜 (zhong gua de gua), « un chien ne  fait pas  des chats » (en chinois, qui sème des pastèques, récolte des pastèques)!

 [2] A Chengdu, Zhang Duan aussi semblait devoir suivre la voie choisie par Nan, son père: le basketball, où il excellait. Seul souci: Nan, divorcé, l’avait gâté. Externe en lycée sportif d’élite, sustenté d’autant d’argent de poche qu’il en voulait, Duan, qui n’avait que 15 ans, succomba vite au démon du jeu vidéo, et s’y adonna plus souvent qu’à son tour.

Alerté par l’entraîneur sur ses frasques, Nan eut le pressentiment que seules des mesures extrêmes, pourraient arracher son fils à la spirale infernale.

Pour mieux le suivre, Nan, manager d’une firme de design très en vogue, quitta son job doré, son F6 de standing, se relogea près du lycée.  Rien n’y fit. En décembre, Duan vendit sa moto, 2 GSM et  disparut avec 10.000¥ de cash. Battant la semelle, Nan le dénicha après 8 jours au Grand World café, les yeux hâves des 20h. de joystick qu’il venait de s’infliger. Duan lui avoua que le patron l’avait attiré grâce à une carte de membre et un barbecue. Comme ce dernier refusait de voir son père pour s’expliquer, Nan fou furieux revint le 25/12, armé de 5 l. d’essence, décidé à nettoyer ce lieu de perdition, qui ne dût son salut in extremis qu’à la police. Cette fois, le bureau des affaires culturelles avait senti le roussi ! Il se remua, et taxa le Grand World de 5000¥, et menaça – mollement – de fermeture les autres cafés, s’ils s’avisaient de recevoir des mineurs. Désormais interne, Duan joue au basket à toute heure, avec pour sa semaine, des sous chichement comptés : père et fils ont tiré la leçon de l’aventure.

On l’aura compris : dans ces deux histoires, les fils, face à leur père, ont réagi de manière diamétralement opposée. Ils offrent ainsi une bonne illustration du désarroi social, et de la confusion de l’autorité confucéenne après 2500 ans d’existence, face à une mutation technologique et culturelle sans précédent. Un tournant de civilisation !

 

 

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