Au moment des Jeux Olympiques, dans 207 jours, les cinéphiles Chinois obnubilés par le sport, vont-ils se visser à leur petit écran? Ou bien ravis par leurs tonnes de médailles, voudront-ils sortir, se mêler à la liesse, et se payer une toile? Tel est le pari que doivent affronter aujourd’hui les maisons de production en Chine.
La liesse s’annonce pourtant mise en sourdine par une censure d’acier sur les réalisateurs, comme en tout domaine culturel. Les consignes sont claires : c’est de Chine qu’il faut parler, et sous le mode glorieux. Parmi les titres en préparation, une locomotive a été commanditée par le régime : Chibi, de John Wu, tiré du roman les Trois Royaumes, Xème remake de la bataille de la fameuse Falaise rouge, perdue par Cao Cao en l’an 208, qui lui ferma à jamais la route de Chine du Sud et la chance de réunifier le pays. Cette production, à grand spectacle et à 80M$ (record de Chine), de China Film Group s’apprête à truster toutes les salles. Tous les autres auteurs, se demandent comment récupérer les miettes du marché. Peut-être avec The One, de Hou Yong, histoire véridique d’un athlète qui échappa à l’occupation nippone en Mandchourie pour aller gagner aux Jeux Olympiques de Los Angeles en 1932…Très sino-centrés, les autres titres en tournage, s’appelleront Nankin, Nankin!, l’incident Shinjuku, et le retour du dragon (autre épisode des Trois Royaumes).
En attendant, la frontière est fermée aux films étrangers —vu le risque que le public les préfère. Seule la poursuite du bonheur, chez Sony, peut préparer sa sortie chinoise pour le 17/01. Qu’on ne s’y trompe pas, pour autant, le cinéma en Chine reste une affaire qui marche, avec 3900 salles pesant déjà 400M$ l’an dernier (+15%). Imax, le dragon canadien des salles obscures, vient de vendre à Wanda l’installation de dix salles, avec grands écrans de 22 x 13,5m.
Deux films viennent d’être censurés : primé à Bangkok en février 2007, Lost in Beijing, de Fang Li, était sorti en Chine expurgé de scènes choquantes : le voici interdit, et ses auteurs privés de tournage pour 2 ans, suite à l’apparition sur internet des scènes censurées, notamment de viol. Tandis que Lust, caution!, l’oeuvre mondialement acclamée de Ang Lee, passe aux grands ciseaux…Artistes (Gong Li) et cinéphiles réclament un système de référençage, qui donnerait plus de liberté de choix aux adultes — mais au détriment du pouvoir de la censure !
NB : La même vague de pudeur frappe l’internet : la SARFT, tutelle de l’audiovisuel, veut protéger les 162M de surfeurs, dont 70%, de moins de 30 ans : contre leurs propres désirs, et la découverte du corps, continent inconnu !
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