Editorial : 2008 : l’angoisse des Chinois

«Nous sommes prêts !», affiche le Comité Olympique chinois, évoquant les immenses efforts déployés, les dizaines de MM$ dépensés pour préparer ces Jeux Olympiques qui se veulent les plus fastueux de l’histoire. Nonobstant, bien des signes disent le souci dans lequel le monde chinois attend cette fête, et les temps qui lui succéderont.

La ville est traumatisée par l’inflation toujours plus haute (6,9%, record de 11 ans), et les hausses des vivres de 30 à 70%, dit la CASS, l’Académie chinoise des Sciences Sociales. Souvent, les familles n’achètent plus que la moitié de la viande qu’elles prenaient 12 mois plus tôt. 66% des citadins, 56% des paysans voient dans la valse des étiquettes leur 1er souci, le coût du logement, la sécurité des produits. Le Conseil d’Etat prend des mesures (gel du prix de l’eau, de l’énergie, des transports, blocage à 8%/an des prix des vivres). Mais sont-elles applicables, alors que la pénurie est cyclique et mondiale? Suite aux mauvaises récoltes de 2007, Chine, Russie, Argentine, UE et Australie n’exportent plus de blé : le marché se contracte en peau de chagrin !

Quoique soutenu par de récentes politiques préférentielles (école gratuite, abolition de taxes), l’agriculteur souffre du gouffre grandissant entre son revenu (3321¥ en 2007, +8%) et celui du citadin (+13%, 10.346¥). Plus encore, si on le compare à des industries, telles celles des technologies de l’information qui gagnent 4,69 fois plus que lui en  2007,  contre 2,71 contre 1 en 1978. Le paysan est aussi las de voir le cadre lui voler sa terre dont il n’a que le «droit d’usage», pour y bâtir et partager le profit avec le promoteur, violant la loi et la constitution. Aussi le paysan prend son droit en main, construisant et vendant sans permis: c’est le phénomène du petit propriétaire, qui toucherait déjà 40% de l’immobilier. Le 9/01, l’Etat dénonce la pratique, au nom de la protection des terres arables. Mais après les années de passe-droits aux promoteurs, entre temps milliardaires, son argument ne porte pas. Pour autant, Pékin n’ose faire démolir, par peur -fondée- d’émeutes. Agronomes et juristes estiment la réforme foncière prioritaire et urgente —mais l’Etat campe sur sa tradition

Le nouveau riche s’inquiète d’un effondrement de la bourse, face au ralentissement de l’économie mondiale et de la compétitivité du textile, alors que le citoyen ne dépense plus, en 2007, que 36% du PIB : taux le plus bas depuis des décennies — les gens préfèrent thésauriser.

Le cadre redoute autour du 8 août (jour d’ouverture des J0) la montée de M de provinciaux pour exprimer leurs doléances, face au monde. D’où le durcissement de la censure et de la police, les multiples arrestations (telle celle de Hu Jia), et la destruction à l’automne dans Pékin, du dernier « village pour pétitionnaires ».

Chen Zhu, ministre de la santé, annonce (7/01) en 2007, la hausse des investissements publics de santé de 277%, à 6,3 MM², et promet d’offrir un accès égalitaire aux hôpitaux… d’ici 2020. Il veut doubler la part de l’Etat dans la sécurité sociale rurale, à 80¥ par paysan – lequel devra aussi doubler sa contribution à 20¥. Ainsi elle assurait en 2007, 730M de fermiers (86%), et en trois trimestres, remboursa 2,2MM² pour 263M de visites médicales… Toutefois, dans le climat tendu décrit plus haut, ce type d’annonce trahit une intention spéciale : celle de rasséréner l’opinion et la tenir en patience, d’urgence ! 

 

 

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
9 de Votes
Ecrire un commentaire