Une série rare d’accidents frappe la Chine de 2008 : le gel du siècle en janvier, l’explosion émeutière à Lhassa en mars, la catastrophe ferroviaire de Zibo en avril, le tremblement de terre en mai. Voilà qu’elle se poursuit par un orage inédit en 12 ans : une hausse de + 8,2% de l’inflation, dépassant les 20% dans l’alimentaire.
Tout se passe comme si ces «signes du ciel» avaient ébranlé la confiance du pays.
L’indice des directeurs d’achat, qui décrit les commandes des usines, a chuté de 59,2% en avril à 53,3% en mai, presque au seuil de la récession (50%) : pour les patrons, les niveaux de prix et la demande prévisible ne justifient plus l’effort stakhanoviste de hausse de la production des années précédentes.
Avec -4% des ventes d’appartements au 1er trimestre contre +16,6% douze mois plus tôt, l’immobilier sombre dans la morosité. Sentant le vent tourner, Morgan Stanley met en vente son parc shanghaien de 101 appartements (+ de 20 000m²) pour 110M² – avouant ainsi sa foi en une tendance baissière.
La bourse elle-même a repris sa dégringolade, à son plus bas niveau en 6 semaines (-2,5% au 4/06), du fait des pressions de l’Etat sur les prix de l’acier (Baosteel s’est engagé à ne pas gonfler ses prix au 3ème trimestre, afin de soutenir la reconstruction au Sichuan) et du charbon (Shandong, Shanxi ont bloqué sur leur sol les prix du charbon-vapeur).
Mais ce faisant, on entre dans une courbe maléfique : la baisse du pouvoir d’achat entraîne celle de la consommation, et consolide la dépendance envers l’export tandis que des masses de «hot money» (100MM$ en avril, selon StanChart) fusent vers la Chine, dans l’attente de la réévaluation inéluctable. Tandis que les PME les plus faibles succombent au travail de sape des hausses des salaires et des matières 1ères.
On note le souci constant du pouvoir, de ne toucher à nul levier de l’export. Le pétrole à la pompe vaut la moitié du cours mondial -les pétroliers touchent un chèque pour leur manque à gagner. Le ¥, en deux mois, n’a augmenté que de 0,9% par rapport au US$ – et pas d’enchérissement des taux d’intérêt… L’objectif clair est annoncé par la Banque centrale : maintenir un Yuan bas pour limiter la baisse attendue de l’export – les experts annoncent une baisse de l’excédent commercial, de 10% du PIB en 2008, à 9,5% en 2009.
Pour «faire quelque chose», Pékin annonce du bout des lèvres, l’ouverture de la bourse aux firmes étrangères et un accès plus large pour les chinoises, aux places étrangères : ceci, pour alléger la pression à la réévaluation et couper l’herbe sous le pied aux fonds spéculatifs. Mais on est loin du compte : alors qu’une phase de vaches grasses s’achève, Pékin tergiverse sur des réformes pourtant préparées depuis des années, pour préparer son industrie à la donne (moins gaspilleuse, plus écolo) de demain…
Sommaire N° 19