Editorial : Le Sichuan, province martyre

Pékin vient de promulguer trois jours de deuil national du 19 au 21/05, et trois minutes de silence lundi 19 mai à 14h28, heure de Beijing

Le séisme de force 8 frappa Wenchuan (Sichuan) le 12/05 à 14:28.

En 150 secondes, il réduisit en miettes des villes telles Beichuan ou Yinxiu. Cinq jours après, moyennant les efforts désespérés de 130.000 soldats et secouristes, moins de 1000 victimes avaient été sauvées. 32.000 cadavres étaient dénombrés, et 220.000 blessés—les emmurés étaient encore 10.600. La pluie battante avait freiné les opérations et laissé les rescapés seuls face au froid nocturne et pic de chaud du jour, la soif, la faim et leurs blessures. Les villages isolés ne furent atteints qu’en trois jours -certains s’étaient vus parachuter des colis de secours. Le 17/05, Beichuan, déjà détruite, était évacuée suite à une crue du lac voisin, et l’épidémie menaçait…

De trop rares équipes étrangères (Japon, Russie, Corée) furent admises après 70h, privant le sauvetage des aides offertes par 142 pays : comme à Tangshan en 1976 (240.000 morts), voire en Birmanie, suite au cyclone Nargis, le réflexe était de ne compter que sur ses propres forces…

A ce détail près, l’action publique fut admirable. Dès 16h le 12/05, le 1er ministre Wen Jiabao s’envolait vers le Sichuan pour consoler et soutenir, rejoint (16/05) par le Président Hu Jintao. Comme tous les medias, la CCTV avait changé sa grille normale pour une émission spéciale, et diffusait en boucle des appels à la solidarité.

L’effort porte ses fruits. La Chine se mobilise, sur internet, via China Mobile, dans les entreprises et universités, engrangeant 860M$ de dons sino-étrangers. Après les décennies (héritage de Révolution Culturelle) de « chacun pour soi », la Chine redécouvre la compassion.

Enfin, cette réaction atypique de l’Etat chinois, a de quoi interpeller. Parmi les forces qui poussent au changement,

[1] Pékin joue la transparence, comme un test politique en temps réel. En laissant travailler (plus) librement la presse, il prépare des milliers de familles angoissées au sort fatal de leurs proches, et aide à lutter contre la rumeur.

[2] Par son action tangible, le pouvoir veut aussi prévenir les critiques, pour ces 8000 écoles aux murs «de tofou» (construites par corruption), et les morts évitables qui s’en sont suivies.

[3] Enfin 2008, l’année du Rat a été fertile en catastrophes, tels le gel-record en février, la sécheresse au Nord (cf p.2), l’accident ferroviaire d’avril, puis ce séisme à «88 jours» des Jeux Olympiques : jour normalement de chance, mais cette fois de malédiction. Il n’en faut pas plus au public, pour s’adonner à la superstition: les Dieux peuvent retirer au prince son «mandat du ciel» (son droit à régner), et le signal de ce retrait, serait justement l’apparition des désastres naturels… Par son action volontariste, le régime veut éviter aux citoyens de tirer de mauvaises conclusions !

 

 

 

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