A la loupe : Aéronautique : préparation au décollage

En février 2007, le Conseil d’Etat relançait un rêve vieux de 40 ans : le développement d’un avion de 150 places ou plus, 100t au décollage et d’une autonomie de 5000km (VdlC n°12/XII).

Quatorze mois plus tard, le 11/05, il concrétise, en présentant à Shanghai la CACC, (Commercial Aircraft Corporation of China), la compagnie de R&D, de fabrication et vente du futur Jumbo. La CACC dispose d’un capital de 2,7MM$, dont 32% versés par la SASAC (tutelle des grands groupes publics), le reste par Guo Sheng (électricien), les avionneurs Avic-I et Avic-II, les fournisseurs Baosteel, Chalco et Sinochem.

La CACC doit fort à la Costind, la commission nationale de technologie militaire, qui lui fournit son Président Jin Zhuanglong et son CEO Zhang Qingwei : la Costind est la meilleure ressource technologique nationale, et la CACC prépare une version militaire du jumbo. En contrepartie du financement public, elle doit fournir l’APL voire peut-être, les armées des pays pauvres d’Asie ou d’Afrique! Le projet est à très long terme : la CACC veut d’abord recruter des talents étrangers, faire former des ingénieurs hors du pays, faire ses armes dans la recherche, au budget pressenti de 5MM². Ce n’est qu’en 2015 que le 1er appareil devrait sortir de sa halle, pour être commercialisé en 2020. Pourtant, c’est dès l’automne (avec 6 mois de retard!) qu’Avic-I s’apprête à tester son ARJ-21 de 70-100 places. Mais par rapport à lui, le jumbo chinois représente un saut technologique, car plus lourd et complexe, nécessitant matériaux composites et moteurs sur les ailes.

Le projet relance donc l’aventure des années 1970, du Y-10, clone du Boeing 707. Deux modèles avaient vu le jour, moins fiables et plus chers que leur original, et vite abandonnés. Ce qui est visé, est l’indépendance technologique, et la reconquête d’une part du marché intérieur estimé sous 20 ans (pour commencer), à 100 gros porteurs par an, d’une valeur de 350MM$. Le projet a aussi pour but de baisser les coûts d’achat des appareils aujourd’hui euro-américains, dont les coûts s’enflamment, grevant déjà de 25% celui du billet d’avion en Chine. Donc, offrir aux chinois, et aux autres, des transports à meilleur prix.

Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, les groupes mondiaux de l’aéronautique comme Airbus, Boeing ou Bombardier ont assuré de leur soutien. Car la CACC, comme pour l’ARJ-21, se dit prête, et devra confier à l’étranger 40% de l’appareil.

Il n’empêche : par ce projet, la Chine va franchir une étape-clé dans son escalade de la chaîne de valeur industrielle : dans 12 ans, personne n’en doute, le paysage aéronautique mondial aura changé en profondeur—le marché aura été redistribué. Et l’Empire du Ciel, portant bien son nom, aura réussi un pari que le Japon, tout géant industriel qu’il soit, n’aura pas osé lancer !

 

 

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