Su Meinü (pseudonyme) n’est pas femme comme les autres. Mariée depuis 6 ans à Liquan (Shanxi), déçue de son couple mais aimant son mari, cette policière de 29 ans s’était risquée, avec lui et des amis, à cette pratique inouïe en Chine: l’échange de conjoints. Le résultat les avait comblés: leur ménage en sortait vivifié.
Su Meinü d’autre part, en son commissariat, voyait défiler les femmes battues, les couples naufragés : ils accusaient souvent, comme racine de leur mal, les années de traversée de déserts sans plaisir.
C’est alors qu’elle imagina d’offrir à sa ville sa découverte,comme moyen de prévention de la violence conjugale. Le succès fut immense! En quelques mois, son club internet fuqi8.com compta 68.000couples abonnés, à 60¥/an. L’échange des sens était permis mais non obligatoire. Su visait surtout la création d’amitiés, la restauration de la confiance en soi et en autrui, par le fait de se faire du bien.
Fière de son action qu’elle croyait civique, Su passa en octobre 2006 sur Phoenix-TV, la chaîne câblée hongkongaise. Li Yinhe, sociologue de renom, était venue pour la soutenir : l’émission fit date, en rongeant bien des poncifs ! Rétrograde, la loi du mariage devait changer. Dans cette pratique où l’argent n’entrait pas, mari et femme restaient libres et égaux. Et cet échangisme ne touchant qu’une poignée de gens, ne pouvait être accusé de déstabiliser l’ordre public, ni poursuivi !
Su Meinü ne s’en rendait pas compte, mais elle allait trop loin. Tant que l’affaire restait dans l’ombre, nul n’était obligé de savoir. Tandis qu’en réclamant droit de cité pour son activité décadente, la policière remuait trop de choses, la morale, la responsabilité de la police, de la mairie… A peine l’émission terminée, les plaintes fusèrent. « A tester 10.000 lampes à huile» disaient les esprits chagrins, « on tombe sur celle qui fuit » (千选万选, 选个漏灯盏 – qianxuan wan xuan, xuange loudengzhan). En un mois, par étapes, Su fut licenciée. Puis les braves gens de Liquan retournèrent à leur polaire ennui.
Mais au coeur du scandale, la belle policière et son époux ne perdaient pas tout: il leur restait leurs deux appartements neufs, leur Hyundai de grosse cylindrée et, surtout, les 4M¥ de cotisations du club et du site, lesquels, par quel mystère administratif, n’ont pas été fermés.
Le VdlC se plaît à voir en cet oubli, la faveur discrète des policiers : Su était gentille et avenante, et tant qu’ on peut l’éviter, on ne plonge pas dans le malheur une ancienne de la maison !
Sommaire N° 7