Petit Peuple : La botte secrète de la vieille Teng

En train de nuit de Changsha à Shimen (Hunan), le 26 /03/06, Teng Ziyang joua de déveine. Usée par l’âge (60 ans), elle s’endormit et manqua deux correspondances, transformant un trajet de 4h en une odyssée de 20h.

Teng retournait au village lever des fonds, pour payer les soins hospitaliers de sa petite-fille de 3 ans, atteinte de leucémie. Aussi, dans le wagon, pour tuer le temps, elle récupéra les bouteilles de plastique vides. A l’arrivée, bien pliées dans son sac, elle en avait 28, qu’elle revendrait au total 6¥, autant de gagné pour la gamine, croyait-elle. Hélas elle ignorait la campagne en cours, secrète mais féroce, qui traquait des personnes modestes comme elle, sur des petits délits, comme la collecte des déchets dans le train !

Dénoncée, à la gare, elle fut embarquée et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, elle fut condamnée en flag’ , à cinq jours fermes. Elle se retrouva en prison, ses cannettes confisquées :  tout était perdu, « et le poulet qu’elle voulait attraper, et ses grains de riz qu’il avait picorés! » (tou ji bu cheng, she ba mi, 偷鸡不成, 赊把米) !

Deux jours après, son fils enfin prévenu vint la libérer, moyennant 475¥ d’amende et frais de séjour. C’est alors que déraille le train de notre histoire : refusant de plier l’échine, le fils défendit sa mère, bec et ongles. Prudente, la presse ignora deux mois durant ses courriers vengeurs. Jusqu’au jour où il mit l’histoire sur internet, ajoutant l’aveu choquant de l’interrogateur de sa mère : on avait fait exprès d’occulter l’interdit de collecte d’ordures, afin de mieux serrer les innocents voyageurs…

Sur la toile, l’annonce fit l’efffet d’une bombe : en une semaine et demi, 280.000 internautes visitèrent le site, se fendant de 11.000 commentaires outragés. Face à la vindicte populaire qui ne faisait que croître, l’officine provinciale se fit vite «remonter les bretelles» depuis Pékin : neuf jours après, dans leurs meilleurs atours, les patrons de la police ferroviaire et municipale, bouche en coeur, toquaient à l’huis de la mère-grand pour lui remettre des fleurs, son décret d’élargissement, et l’argent confisqué lors de l’arrestation.

Ils offrirent aussi 6000¥, en soins pour la petite. La vieille refusa. Elle ne voulait qu’un yuan symbolique, et des excuses -vite obtenues. L’argent des soins pour l’hôpital viendrait plus tard, grâce aux souscriptions des média fascinés par cette histoire, et des citoyens, éblouis par l’audace du fils et de la mère !

 

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