A peine débarrassée des soucis matériels, la Chine urbaine se plonge dans la quête du sens de la vie.
A Shanghai, Ji Qiu, 29 ans, diplômée, faisait son parcours du combattant écolo, et chattait avec les baba-cools et végétariens de la toile. Jusqu’au jour où elle rencontra les naturistes: ce fut l’illumination !
Chaque week-end avec ses nouveaux maîtres à vivre, elle refit le monde, prit un verre, et dansa une valse en tenue d’Ève. Mais attention, même sans nippes, on respectait la morale – corset bien plus rigide. Le 1er jour, elle avait dû souscrire aux 20 interdits, tels que zieuter un sexe plus de 3 secondes, bavarder de «çà» hors du groupe et surtout -abomination- faire l’amour… A ce prix, elle vécut un an de feu au sein de son cercle exclusif, qui se croyait détenteur de l’honnêteté et du courage sur terre, déchirant l’hypocrisie des habillés! Seule lézarde à l’idéal édifice: au fil des séances, Ji Qiu fut émue par Jiang Xing, mâle aux pectoraux renversants, mais la bague au doigt. Le regardant les trois secondes permises, elle voyait bien que c’était réciproque! Pour l’heure, à la chinoise, on baissait les yeux, gardiens fidèles de la discipline collective !
Des mois après, par hasard (?), ils se revirent à Phuket (Thaïlande) en stage d’entreprise : dès le 1er quart d’heure, toutes les règles, tous les boutons sautèrent. A leur retour, en secret, ils poursuivirent leur liaison coupable,jusqu’à début janvier, quand la légitime de Jiang Xing les dénonça : les voilà renégats, rejetés de l’Eden, puis par vagues successives, de leurs cercles d’amis, clients et collègues : au sein du microcosme shanghaïen, tout se sait, rien ne se pardonne !
C’est ainsi que Ji Qiu et Jiang Xing se sont trouvés en faute, vis-à-vis de l’extrême exigence de chasteté de leur club. Curieusement celle-ci semble émaner, non des mouvements naturistes occidentaux, mais du bouddhisme, 1000 ans plus tôt au Tibet, où le trapa séminariste devait partager la chambre d’une trop belle nonne, 3 ans, nuit après nuit, afin de mieux «atteindre la paix en sur-montant les six désirs » – 六根清静,liu gen qing jing.
Chassés de leur Eden artificiel, nos amants découvrent à leurs dépends que la pureté n’est pas de ce monde. Sans avoir encore découvert que leur malheur pourrait devenir une chance : celle de fonder une culture chinoise de demain, réconciliant exigence de retour à la nature, besoin éthique et soif d’amour !
Sommaire N° 5