Rituel en Chine : à chaque visite d’Etat, sa «distribution des prix».
Les 40 patrons de la suite du Président français Nicolas Sarkozy à Pékin se partagèrent les contrats (26 /11). On en attendait pour 10MM² : le chiffre atteignit le double, comme pour suggérer l’image d’une France bonne élève de la Chine. Celle ci ne doit pas faire oublier les années ’90, où la France se trouva deux fois sur la liste noire de Pékin pour avoir livré à Taiwan 6 frégates et 60 Mirages, puis un satellite. Jusqu’à ce que d’autres pays méritent à leur tour les foudres locales, accélérant la réconciliation : on ne peut être en froid avec trop à la fois… Justement, Pékin pouvait avoir une autre raison de soigner Paris : la hantise de voir Sarkozy, qui sera en 2008 Président de l’Union Européenne, rejoindre un front critique qui compte outre les USA, l’Allemagne, le Canada…
Sur la liste, comptent 110 Airbus A320 et 50 A330 (pour 11MM²) – Avic-II produira 5% des futurs A350. D’autres marchés vont à Alcatel-Lucent (750M², pour China Mobile et Unicom), Alstom (43M² en signalétique du métro de Shanghai), Eurocopter (80M² pour 10 appareils). Sanofi-Aventis reçoit le droit d’investir 64M² dans une usine de vaccins anti-grippaux à Shenzhen, et l’armateur CMA-CGM met 1,2MM² dans un terminal conteneurs à Haicang, port de Xiamen.
Dans ces contrats, l’écologie est présente : Suez obtient 70M² de contrat à Chongqing, dans le recyclage d’eau et de déchets, et une implantation à Tianjin-Binhai, la zone technologique la plus avancée du pays.
Le contrat le plus spectaculaire est celui d’Areva et d’EDF, pour deux réacteurs nucléaires EPR de 1700MW, de 3ème génération, à livrer pour 2014, sur le site de Taishan au Guangdong, la province des centrales françaises de Daya Bay et Ling Ao. Pour Areva et EDF, ce deal approfondit la coopération en élargissant leur présence à l’ensemble du cycle nucléaire civil chinois.
[1] Il sera payé en euros, écartant le US$ en chute libre.
[2] Areva fournira le combustible aux deux EPR, et en fait bien plus, 23.000t d’uranium en 15 ans, soit 35% de la production d’Uramin, sa filiale minière africaine qui entrera en activité en 2010.
[3] Areva négocie une JV (50/50%) d’ingénierie pour dessiner d’éventuels futurs EPR («4 à 6, dans un 1er temps», espère A. Lauvergeon, Présidente du groupe), une JV de gainage (en zirconium) des déchets, une centrale d’enrichissement du combustible «selon le modèle de la Hague», le tout, pour un enjeu de 15MM², à trois ans d’échéance.
[4] EDF sera propriétaire à 30%, co-exploitant des unités de Taishan.
La stratégie de Pékin d’ici 2015 apparaît clairement : bâtir (presque) seul une 20aine de centrales de seconde génération, de technologie Areva, et pour la troisième, acheter une paire d’échantillons à chaque fournisseur : l’AP-1000 de Westinghouse, l’EPR, le russe d’Atomstroy-export (à confirmer); les faire tourner, puis faire son choix. Cette stratégie de saupoudrage entre concurrents, permettant d’imposer les prix les plus bas, le transfert de technologie, et à terme, de concurrencer ses maîtres, à l’export !
Sommaire N° 39